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Le texte qui suit a été initialement publié dans Planche Magazine, sans doute en 1993. J’avais proposé à l’époque une saga des grandes marques de surfwear et nous avions débuté par celle de Quiksilver. Alors que le net, n’était que balbutiant, j’avais réalisé les interviews de John Law et d’ Alan Green par… fax. Merci encore à eux, d’avoir à l’époque pris le temps de répondre du fin fond de l’australie. Je pense que ce ne serait plus possible aujourd’hui. Je ne me souviens plus des détails mais Jeff Hakman alors en France n’était pas joignable quand nous avons voulu intégrer son point de vue mais nous avions extraits ses propos de plusieurs autres sources. J’ai apporté quelques modifications dans la dernière partie du texte mais il faut remettre ce papier dans le contexte des années 90. Quiksilver était devenue une grande marque, mais n’avait pas encore atteint sa taille maximum. En 2014, ce symbole de la vague du surfwear est malmenée sur les marchés financiers…
Un monde en mouvement
Jimi Hendrix électrifie l’hymne américain, Andy Wharol ouvre de nouvelles portes et l’amour, la tolérance, le rock, la révolte et le voyage sont les valeurs montantes. Nous sommes à la fin des années 60 et résonnent alors des mots comme Katmandou, île de Wight, Woodstock ou le psychédélisme. Aux quatres coins du monde, une génération avide de sensations, à la recherche d’une nouvelle identité et une façon de vivre plus juste, explose. Autant dire que le surf qui catalyse une partie de ces valeurs est en phase avec son époque. Cette fois les repères ont pour nom Uluwatu, Pile Line, Ala Moana, ou en France Guéthary. A Hawaii, Gerry Lopez , Larry Bertelman et Button Kaluhiokalani donnent une nouvelle dimension à cette confrontation avec les vagues en important des mouvement du skate, à l’heure où Endless Summmer de Bruce Brown attise les vocations de ceux qui se sentent de taille à rebondir d’un continent à l’autre à la recherche d’un peu d’absolu.
Deux australiens et une idée fixe
Tandis qu’à Paris, les étudiants bousculent l’ordre établi et que notre sud-ouest découvre ce nouveau tête-à-tête avec les vagues, à l’autre bout du monde, une paire de jeunes australiens, passionnés de surf, s’inventent une destinée qu’ils ne soupçonnent pas. Ils ont pour nom Alan Green et John Law, habitent Torquay dans le sud de ce continent si lointain et se mettent à bricoler des shorts de surf. En fait, ils créent un produit par nécessité parce qu’à l’époque, c’est le seul moyen d’obtenir un short suffisamment solide et adapté à au surf. Ils espèrent que ce petit boulot leur permettra de rester plus proches des vagues et de surfer jusqu’à plus soif. L’heure est aux hippies, à la vie au jour le jour et l’ambition carnassière des yuppies n’est pas encore de rigueur. Alan Green se souvient bien de cette époque : « Nous avons commencé à fabriquer des shorts en 1968. Nous faisions évidemment tout nous-mêmes. La découpe du tissu, la couture avec quelques ouvriers, le vente et la tenue des comptes. Nous avions alors une grande maison avec l’atelier adjacent. C’est ma femme qui a choisi le nom Quiksilver, nom qu’elle avait trouvé dans un texte d’Irving Wallace. John a ensuite dessiné le logo qui englobait nos deux passions : le surf et le ski, nos deux univers, la mer et la montagne ». Les créations gagnent vite les suffrages des surfers. Ils sont à la recherche d’un produit qui doit se montrer fonctionnel et, par dessus tout, distinctif. Le succès frappe à la porte de nos deux créateurs. « Les shorts que l’on trouvait à l’époque n’étaient bons que pour s’asseoir sur le sable. Nous voulions faire des vêtements de qualité, adaptés aux vagues, donc solides et les vendre dans le monde entier. Nous savions que nos produits pouvaient avoir du succès partout où l’eau était assez chaude pour surfer en short et où le surf était assez populaire »
La rencontre
L’affaire est lancée mais une nouvelle rencontre va influencer le cours des choses. Nous sommes en 1976. Alan et John croisent la route d’un homme hors du commun. Jeff Hakman est l’un des meilleurs surfers du moment. Enfant prodige auquel un père en marge du système a inculqué le goût sauvage de l’océan, Hakman sait déjà a douze ans se jouer des pièges de la très redoutée vague de Waiméa. « Mon père était ingénieur dans l’aéronautique raconte Jeff mais il n’avait d’yeux que pour l’océan. Il pêchait, plongeait et surfait en permanence et m’emmenait toujours avec lui. C’était un vrai aventurier des mers ». Quinze années plus tard, le minot qui n’en est plus un, ne compte plus les tours du monde, les victoires sur le circuit pro et autres coups d’éclat. Jeff Hakman, sacré champion du monde, tutoie la légende. Mais il sait, il sent que cette partie de sa vie n’est que provisoire. Sa rencontre avec Alan et John, lors d’une compétition à Torquay, marque pour lui un tournant. Il s’enthousiasme pour ce qu’ils font. «J’avais vécu quinze ans dans les vagues et je n’en étais pas lassé, mais je m’étais fixé un nouveau challenge. De retour en Californie, j’ai repris contact avec Alan et John et j’ai pris la licence pour les Etats-Unis. Du jour au lendemain, je me suis lancé dans le business» . Pour les deux australiens, le choix de ce nouveau venu, figure emblématique de leur sport, est vécu comme une bénédiction. Et c’est un sacré cut-back tout de même pour Hakman, qui a grandi au plus près des vagues et loin du monde du business. A 27 ans, il n’a d’ailleurs aucune expérience de ce genre d’exercice mais contre toute attente, il s’avère assez vite redoutable dans ses nouvelles fonctions : « beaucoup d’entrepreneurs qui venaient d’autres milieux ont essayé de se lancer dans le surfwear mais s’y sont cassés les dents. Au départ, nous avions créé une industrie pour nous-mêmes et elle y a gagné cette authenticité qui nous a démarqué des autres » dit alors Hakman. Les deux créateurs ne tiennent pas d’autres discours : « nous avons toujours été étroitement liés au surf. Chez nous, tous les postes importants sont tenus par des surfers, et nous sommes continuellement en contact avec ceux qui portent nos produits. Parce que nous sommes aussi sur la plage et dans les vagues ». Quiksilver envahit donc les Etats-Unis où le surf occupe une place de choix et Jeff se retrouve en France aux débuts des années 80 pour un nouveau pari, gagner l’Europe qui – curieuse coïncidence – découvre au même moment le fil rouge qui relie entre eux les sports de glisse. La suite vous la connaissez. Le succès foudroyant du windsurf tracte une nouvelle mouvance. Derrière arrive le renouveau du skate et l’éclosion du snowboard, qui feront les beaux jours de Quiksilver qui saura même s’immiscer dans la mode du ski.
Un état d’esprit
Finalement Alan Green, John Law et Jeff Hakman auront eu un sacré parcours. Sans doute parce qu’ils auront su garder le contact avec l’océan, trouver le moyen de préserver leur authenticité et évoluer avec la tendance. En signant des contrats avec les stars du moment comme Tom Caroll, Kelly Slater ou Robby Naish. Ou encore en entretenant la légende à travers le Quiksilver in Memory of Eddie Haïku, une vraie cérémonie autant qu’une compétition, une événement qui résume un état d’esprit. Mais soyons aussi réalistes, c’est aussi parce que nos trois compères ont su se plier aux lois du marché planétaire que la marque est devenue très rapidement une extraordinaire réussite : « le surf n’est plus aujourd’hui qu’une part minime de nos activités. Mais nos vêtements se vendent encore sur cet esprit » déclarait Alan Green en 1994. De plus, au milieu des années 90 la marque a bien intégré les changements de générations et s’est tourné vers les tendances urbaines.. Là où les mômes qui rêvent de Californie n’ont que le béton à surfer il a fallu coller à leurs aspirations. Il fallait dépasser les seules valeurs du surf pour adhérer à celle de l’expansion de la marque. Du réalisme. Se profilait donc déjà en bout de piste des années 90, un cruel dilemne. Grandir et s’ouvrir à un plus large public sans renier ses racines et garder le contact avec sa tribu initiale. Peut-on devenir universel lorsqu’on bâtit toute son identité sur une certaine forme de marginalité. Toute la difficulté était là au milieu des années 90.
NDLR : L’évolution des mentalités a donné raison à Quiksilver au moins jusqu’au début des années 2000. Les marques ont été recherchées par les jeunes générations comme éléments d’intégration, alors que leurs aînés cherchaient à se différencier en portant quelque chose d’alternatif et de différent. Quiksilver est cependant restée une marque de surfwear. Elle a su fédérer des public antagonistes jusqu’à un certain point. Aujourd’hui, les marques de surfwear connaissent de grosses difficultés. Mais ça c’est une autre histoire….
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