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Mieux comprendre la nouvelle culture sportive

Rediffusion Codezero, post initialement publié 26 novembre 2014. 

Californie, années 60. Un groupe de grimpeurs à la recherche d’une vie conforme à leurs rêves, initie un nouveau rapport à la montagne dans le Yosemite National Park. Ils ressemblent à des beatniks, rien de bien surprenant, Allen Ginsberg a publié « Howl » à peine quelques années plus tôt, « Sur la route » de Kerouac vient de sortir, tout comme « le festin nu » de William S Burroughs. Ce sont les Stones Masters mais il ne se revendiquent pas Hippies. « On n’aimait pas les hippies dira plus tard Dale Bard l’un d’entre eux. « Ils voulaient juste glander, faire l’amour et fumer de l’herbe. Ils n’étaient pas sportifs, ils n’en avaient rien à battre des falaises ». En fait, cette aventure a débutée en 1957 avec la première de la face nord du Half Dome, considérée jusqu’alors comme presque impossible, et c’est ce que raconte ce documentaire « Valley Uprising » sur lequel revient le National Geographic.  

Ces jeunes idéalistes vivent comme des nomades mais commencent à fabriquer leurs premiers équipements pour affronter les parois. Parmi eux, il y a John Long, Lynn Hill, Dean Fidelman, Mike Graham, Rick Accomazzo et Dale bard, Steve Roper.

L’histoire n’est pas sans rappeler celle qui se déroulera une dizaine d’années plus tard aux abords de San Fransisco. Pour rappel, le scénario est similaire. Une bande de chevelus idéalistes – encore – qui n’a pas pour principe de suivre les règles du moment, invente une nouvelle façon de faire du vélo. Charles Kelly, Joe Breezer et quelques autres adaptent alors des vélos de type cruiser, proches des vélos de plage, en particulier le modèle Excelsior de la marque américaine Schwinn et filent sur les pentes du Mont Tamalpais et nord de San Fransisco. Le but est de descendre, sans autre but que de bien se marrer et de doubler son pote. C’est le début du « mountain bike » littéralement, le vélo de montagne qui deviendra ici bas, le vélo tout-terrain. On rappelera que la France, forte de sa culture cycliste ne croira pas à cette pratique. Aujourd’hui le VTT représente la moitié du marché.

La portée de ce qui s’est passé à cette époque est sous vos yeux. Ces deux groupes distincts étaient mués par les même désirs et chacun, dans l’univers qui était le leur, a jeté les bases d’un nouveau rapport au sport. Ce qu’ils voulaient c’était jouer. Avant tout « jouer ». Ce que suggèrent ces deux exemples, c’est que les changements culturels en cours aux Etats-Unis ont eu évidemment une influence sur la façon de vivre et en conséquence sur la façon d’appréhender la vie. En France, on peut constater que les premiers signes du même genre d’évolution sont apparues dans les années 70 donc après les changement sociétaux de 1968. La volonté d’être plus libre était aussi à l’oeuvre dans le sport et l’a même transformé. S’affranchir des « règles » s’est imposé comme la manière de jouir sans entrave. Dans l’ordre chronologique, le surf, le skate, le windsurf (l’arrivée de la planche à voile au milieu des années 70 jouera le rôle d’un vrai révélateur), le snowboard, puis le reste des sports alternatifs ont dépassé le strict cadre du sport. A noter que le livre California Surfing and Climbing in the Fifty aborde aussi la question

La liberté, la créativité et l’art du geste ont remplacé le culte de la performance, le résultat comme unique horizon du sport et la quête – discutable – de médailles. La chorégraphie a pris la place de la mesure de la performance physique, la recherche de la sensation a supplanté l’effort, la nature s’est substitué aux pistes des stades, les gymnases où les terrains délimités. Ce constat n’est pas nouveau, mais l’intérêt de cet film est de rappeler d’où vient tout ça, même si évidemment il faut savoir relativiser, prendre ses distances avec les « mythes ».

Cette tendance lourde est désormais bien installée. Tous ces sports alternatifs (et pas forcément extrêmes) font partie aujourd’hui du « paysage », même si les instances sportives traditionnelles et autres observateurs séculaires n’ont toujours pas compris les fondamentaux de cette évolution. On applique encore la grille de lecture du sport institutionnel à des pratiques qui sont pourtant en opposition. Dans beaucoup de situations, ne pas bien envisager cette mouvance empêche d’en recueillir les fruits. La grimpe et le VTT ont donné naissance aux USA à des sociétés d’importance mondiale et aujourd’hui plus que jamais, ces mouvances sont et seront aussi – parce qu’elles répondent aux attentes des nouvelles générations (mais pas seulement d’ailleurs) – des opportunités économiques.

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