Codezero suit de très près les nouvelles tendances de la moto, les raisons en sont multiples. Nous sommes depuis toujours passionnés par la moto en tant qu’objet technique, terrain d’innovation, sport, vecteur de liberté, phénomène sociétal, culture globale.
Par ailleurs, plusieurs nouvelles tendances sportives (70’s, 80’s) ont eu la Californie comme creuset (skate, running, surf, windsurf, mountain bike, grimpe enfin), or la moto a une place très importante sur la côte ouest et les liens entre ces différentes mouvances sont avérés. De nombreuses marques de la scène skate et surf sont également liées à la moto. L’ADN de Codezero, cette vision transversale, vient en partie de là.
Enfin, le sujet nous intéresse d’autant plus que les marques du secteur ont souvent une histoire très forte, que ce qu’elles fabriquent est souvent plus qu’un simple « produit ». Bref, la moto est (aussi) un beau terrain de réflexion professionnel.
Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde du deux roues va beaucoup plus loin que la seule « mode » du vintage. Le mouvement est plus profond, il ne peut se résumer à une seule tendance mais il traduit un changement important de style, d’approche, donc de manière de voir, d’aimer, de considérer donc à terme d’utiliser une moto. Impossible de comprendre ce qui se passe si on l’observe juste sur le plan marketing ou technique.
Nous avons suggéré diverses hypothèses au travers de plusieurs analyses :
- C’est avant tout un vaste mouvement créatif qui secoue le monde de la moto depuis quelques années
- La moto se réconcilie avec l’hédonisme
- Les nouvelles tendances de la moto révélaient la revanche de l’esprit sur la rationalité
- La culture garage n’est pas une mode, il y a des raisons essentielles au succès du vintage.
- L’ombre du surf et culture californienne révolutionnent l’image de la moto
La moto se réinvente depuis quelques années et il est très intéressant de s’attarder – c’est le sujet du jour, on y vient – à tout le processus qui a amené les marques à s’adapter et à changer leurs gammes, leur stratégie et quelquefois à faire évoluer leur identité de marque. Derrière ce processus, il y a à un moment donné de l’instinct, du flair, de l’analyse aussi, et puis des choix et surtout des hommes porteurs d’une culture différente. Une culture transversale, crossover.
Chez Ducati, marque italienne que l’ont peut comparer à Ferrari puisque son ADN et son image sont étroitement liés à la haute performance, l’apparition de la Scrambler s’est apparentée à une vraie rupture même s’il s’agissait de réinventer un modèle de 1962. La marque a confié à Julien Clément, jeune designer français issu de l’institut supérieur de design de Valenciennes la responsabilité du projet. La Scrambler marquait un vraie changement culturel pour la marque, Julien et les autres collaborateurs venaient d’horizons différents : « Ici, dans le staff qui travaille autour du Scrambler, nous sommes tous imprégnés de ces nouvelles pratiques et tendances. Le skate, le surf, les Café Racer, les choppers » déclarait Julien. De même, Claudio De Angeli, jeune directeur créatif de l’équipe déclarait toujours dans les colonnes de l’excellent magazine Moto Heroes : « dès le départ nous savions qu’il y aurait des possibilités immenses avec ce modèle. Notre équipe a été constitué pour cela. Nous ne venons pas de l’univers de la moto mais de celui de la mode, de la communication, de l’informatique aussi. Nos supérieurs nous laissent dériver sur nos idées et nos envies, à nous de trouver ce qui pourrait séduire cette clientèle plus jeune et moins « spécialiste » à laquelle s’adresse les Scrambler. » De Angeli qui déclare par ailleurs dans les colonnes de Garage, hors série du magazine Café Racer : « Nous considérons le Scrambler et ses activités comme une marque plus que comme un modèle spécifique ». La seule comparaison des sites web est édifiante.
Même son de cloche finalement chez Husqvarna, marque culte de moto tout-terrain (Steve Mac Queen fera la couverture de Sport iIlustrated en 71, au gudon d’une 400 cross mais l’histoire d’Husqy ne se milite pas à ça), rachetée par KTM en 2013 (après être passée dans le giron BMW), qui a entrepris de relancer cette griffe en faisant appel encore une fois à un français, Maxime Thouvenin, lui aussi diplômé de l’Institut Supérieur du Design de Valenciennes, laissant entrevoir l’influence d’une vraie french touch dans le design moto puisque, ce sera l’objet d’un prochain sujet, c’est encore un français Jérémy Tagand qui est derrière le style de Deus Ex Machina à Sydney. Thouvenin qui roule dans cette affaire pour Kiska Design, dessine alors deux motos de route très innovantes, un scrambler, c’est à la mode et une moto urbaine, ces deux modèles se distinguant par leur design. « Nous avons cherché à mettre en avant les notions de plaisir, le coté amusant de la moto. C’est plus l’esprit de la performance que la performance seule ». Une chose est sûre, la Vitipilen, la 701 ou l’Aero sont en rupture totale avec ce qui se fait actuellement, elles sont très modernes, ce qui montre aussi qu’il n’y a pas que l’influence Vintage qui domine aujourd’hui dans la moto.
Nous avions traité le cas de BMW, (et de la fameuse Nine T) nous reviendrons sur le programme Yardbuilt de Yamaha ou sur la manière dont Honda a contourné le sujet en jouant sur l’innovation d’une part ou sur la réactivation de modèle mythique comme l’Africa Twin.
Que retenir de tout ceci ? Les marques de motos (à des degrés divers) confrontées à une évolution du marché et des comportements ont su prendre en compte certaines nouvelles tendances, remettre parfois en cause leur stratégie produit, leur stratégie globale, en se basant sur des créatifs venus d’autres horizons. Chaque marque s’est associée avec plusieurs designers, a fait appel par ailleurs à des préparateurs sur chaque continent car le point commun a été la personnification des modèles, l’accessoirisation à terme pour le client, en fait le retour au style et à l’expérience de la moto davantage que l’objet en lui-même. En d’autres termes, les marques de moto les plus audacieuse ont été capables d’aller au delà de leur marché.
Il arrive fatalement un moment sur des secteurs en baisse où s’adresser aux passionnés ne suffit plus, et où il convient de se tourner vers le « non-client » (conceprt ocean rouge et océan bleu), celui ou celle qui n’a jamais pratiqué ou a cessé. En ce qui concerne la moto, l’entre soi et la performance ont fini par avoir des limites. Retour au sources, le plaisir, l’évasion. On parle bien d’expérience utilisateur…