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L’obsession du résultat dénature le « jeu ». Comment transmettre le sport demain ?

Le monde change, la société se métamorphose, le sport évolue en conséquence. L’existence même de l’agence Codezero s’est construite sur la volonté d’étudier, d’analyser et de décrypter les évolutions des pratiques sportives. Nous croyons profondément à la nécessité de s’interroger régulièrement sur le sens du sport, sur ses valeurs et sur ses influences sociétales et culturelles. Cette analyse fait suite à celle intitulée « En troquant le jeu contre la performance, le sport fait-il fausse route ? » dont elle est une version plus argumentée, elle est en outre accompagnée d’un documentaire.

Nous pensons en effet que l’élitisme sportif qui tient lieu de colonne vertébrale de la politique sportive en France depuis toujours – et qui impacte considérablement la vision que l’on a du sport – à fortiori à l’approche de #paris2024 est une erreur stratégique, sociétale et pédagogique. De plus en plus, ce sport là va à l’encontre de la société.

La logique de victoire, de résultat,  de domination, d’accumulation (de titres et d’argent) a-t-elle atteint ses limites ? C’est la question que nous posons régulièrement. Chez les garçons, dans les quartiers populaires – et il me semble que c’est une spécificité de ces territoires –, on joue au foot avec l’espoir de devenir pro. Statistiquement, sur une génération de footballeurs, on sait pourtant que la probabilité de devenir pro est d’une sur cinq mille. Ce sont les derniers chiffres de la fédération. Mais ça influe énormément sur ce qu’on attend du football en région parisienne, sur le rapport que les garçons entretiennent avec lui. Il me semble qu’il y a de moins en moins de passion pour le foot comme jeu: il y a encore dix ans, quand j’étais adolescent, les city stades étaient toujours pleins… Au #Senat, adoption de mon amendement visant à aménager les cursus scolaires pour les jeunes sportifs dès l’école primaire. Nous devons donner aux jeunes les moyens de développer pleinement leurs potentialités et d’accéder au haut-niveau dès l’école primaire #EcoleDeLaConfiance

Evidemment, nous ne rejetons pas en bloc toute idée de compétition, ne nions pas globalement la notion de performance, nous avons déjà exprimé notre point de vue à ce propos.

Ce que nous critiquons et que ce documentaire aborde est cette culture du résultat qui gangrène l’image du sport en général , d’autant que cette approche se prétend être la bonne. Le propos ne vaut pas que pour le football même si c’est là que l’attente sociale et les rêves de fortunes apparemment faciles sont les plus élevés.

Aujourd’hui, toutes les disciplines et notamment celles qui sont devenues olympiques regardent vers le haut, et vers ce rêve qui ne sera accessible que pour une infime partie des prétendants. Tout le système institutionnel parle majoritairement entrainement, effort, résultat, compétition, victoire, championnat, médaille. Bien sûr, beaucoup d’entraîneurs le plus souvent bénévoles font du bon job partout en France et ailleurs, donne aussi une dimension ludique au sport mais le « format » demeure.

Par ailleurs, les Jeux Olympiques, à la fois fabuleux moment sportif et mécanique discutable, sont encore présentés comme le ressort essentiel du sport. Comme si la société n’avait pas changé, comme si le rendement, l’accélération, la pression de la société moderne n’avait pas influé sur les désirs et les objectifs d’équilibre de tout un chacun. Il y a des raisons à cela. Le rayonnement international, le soft power, la géopolitique du sport abordé par Jean Baptiste Guégan dans le livre du même nom.

Ce que dit ce documentaire, ce que dit aussi le court extrait précédent, ce dont rendent compte Ilyes Ramdani et d’autres, c’est que cette façon d’imposer le sport, cette lecture dominante du sport n’est plus la bonne parce que les effets collatéraux sont profonds et durables. Non seulement une majorité d’adultes s’en détournent – la crise structurelle que rencontrent de très nombreuses fédérations en témoigne – mais elle est également nocive pour les enfants. Le sport est censé transmettre des valeurs, il est aujourd’hui censé apporter un équilibre de vie et ce n’est plus le cas.

Nous avons longuement écrit à ce sujet, mais on touche là à ce qui est pour l’agence Codezero une véritable préoccupation de fond :

Contrairement à ce que pense Michel Savin, le haut niveau n’est pas l’horizon indépassable du sport. Il est synonyme de sacrifice, d’effort, d’échec, d’exclusion, il est hiérarchique par nature, exigeant, souvent injuste puisque l’égalité des chances est une fiction. Donc difficilement compatible avec des enfants en primaire dans une société déjà assez exigeante. C’est aussi une erreur de timing. Le sport de compétition s’est construit avec l’industrialisation, il portait l’image du progrès. Aujourd’hui cette notion même pose question.

Nous pensons que l’occident peut s’inspirer d’autres cultures, que le sport peut aussi se nourrir d’autres courants de pensée. Nous sommes assez admiratifs de la réflexion d’Harmut Rosa, nous constatons aussi que depuis une cinquantaine d’années, d’autres pratiques sportives épanouissantes, ont su conjuguer performance et réalisation de soi, sans forcément y mettre de l’affrontement direct.

Le succès mondial du yoga, pratique corporelle exigeante et philosophie de vie, en est un autre symptôme. Les arts du déplacement, les sports libres font également partie de ces courants novateurs, anciens mais que les députés et autres sénateurs jugent encore marginaux, voire anecdotiques.

Le sport échappe de plus en plus aux institutions et aux clubs. « Le Conseil d’État préconise également de recenser, soutenir et étendre les actions innovantes ….  Les pratiques sportives s’inscrivant de plus en plus dans un environnement qui n’est pas a priori celui du sport – mais celui de la ville, du village ou de la nature –, l’étude incite à la promotion d’un urbanisme favorable à l’activité physique et sportive. »

Il serait donc grand temps de changer de logiciel. L’une des raisons du succès des sports « libres » à la fin des années 70, était sans aucun doute la liberté de pratiquer sans autre contrainte que la recherche de sensation et de plaisir. Aujourd’hui de nombreuses pratiques se développent en autorisant à leurs adeptes de progresser à leur rythme. La compétition existe mais pas nécessairement, et elle n’a pas la même place.

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