Alain Gerbault et Bernard Moitessier ont été les héros fondateurs d’une voile française libre, inventive, audacieuse, véritablement romantique et d’une certaine manière libertaire.
Contemporain du second, Eric Tabarly, marin, militaire et technicien visionnaire, ne s’embarrassera pas du questionnement intellectuel de l’auteur de « La Longue Route » et ira remporter la transat anglaise dès 1964 et sa trajectoire aura un impact énorme et durable. Il formera toute une génération de navigateurs, il est l’épicentre de la course au large française telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le think tank Code Zero s’est régulièrement interrogé sur la voile moderne et justement ce retournement des valeurs. Il nous semblait qu’aujourd’hui la voile, tout du moins l’image qu’elle donne d’elle même à travers les médias grand public, était trop dominée par l’empreinte de la course aussi passionnante soit-elle. Au travers de deux posts notamment :
Moitessier, homme libre, était une sorte de poète des mers, proche de l’esprit de Kérouac et des hippies. Il rejetait certaines valeurs de la société. Les skippers d’aujourd’hui sont bien davantage les héritiers de Tabarly et ils se sont tous inscrit dans une réalité moderne, aujourd’hui surtout sportive et commerciale. Ce sont des pilotes de courses. Les sponsors sont des banques, des assurances, des grandes entreprises, nous écrivions « tout ce que la voile proposait de fuir ». Quand les crises mondiales s’éternisent ou se succèdent, quel sens la voile peut-elle y trouver à long terme ?
D’où le paradoxe en termes d’images que nous évoquions dans le billet l’anti-thèse du trimaran Macif
Corentin de Chatelperron est-il le prototype du skipper de demain. Sa modernité est d’utiliser le meilleur de la technologie pour revenir à plus de simplicité. ce n’est pas un compétiteur mais un rêveur pragmatique. Son propos n’est pas la course, il est plutôt porteur et porte parole d’un projet de société.
Il vogue dans le sillage de Moitessier le clochard céleste, embarque des poules, des algues, un four solaire, et la technologie lui sert à construire un futur à la We Demain. Il a eu énormément de succès dans les médias, Ce n’est pas si étonnant…
Corentin Chatelperron réinvente l’image de la voile, ou tout du moins la ré-équilibre. Nous vous invitons à lire ce très bon sujet publié par rue89/Nouvel Obs dans lequel sont exposées les particularités de son voyage intelligent et qui se veut utile.
- Les cartes Arduino
- Les éoliennes DIY
- Les vers de farin
- Le four solaire
- Le désalinisateur
- Le réchaud à économie de bois (ou « rocket stove »)
- L’hydroponie
C’est une autre image de la navigation, celle qui a su séduire les voyageurs et les âmes de poètes. Corentin Chatelperron est jeune, il faut écouter les jeunes, l’avenir leur appartient.
A lire aussi, le sujet dans Paris Match qui tend à prouver que la course n’est pas la seule façon de parler de la voile au grand public. A noter également que la chaine ARTE envoie le navigateur Marc Thiercelin autour du monde à la rencontre des peuples des mers et qu’Ellen Mac Arthur a quitté la compétition pour promouvoir l’économie circulaire et défendre l’environnement. Après tout, la voile donne à voir le monde et on pourrait ironisé sur la quête obsessionnelle du record. Plus on va vite, moins on regarde…
Cette voile là est proche de l’esprit de la glisse. Elle redonne un sens aux valeurs émergentes. Elle propose un autre usage du monde.