« La vitesse, écrivait François Sagan, est un élan du bonheur ».
Cette femme de lettre, née en 1935, moderne, indépendante, était une passionnée de belles voitures à une époque où celles-ci symbolisaient l’évasion, la puissance pour ne pas dire la liberté ou une relation au monde. Cette urgence après tout lui allait bien.
A l’époque, James Lovelock n’a pas encore publié son hypothèse Gaïa et tout le monde a déjà oublié Henri David Thoreau ou Ernst Haeckel. L’écologie ne pèse rien face au mouvement.
Il y avait 500 000 voitures dans le monde en 1914, 50 millions 25 ans plus tard, on compte un milliard d’automobiles aujourd’hui.
Au début, la voiture est une vision, un cheval d’acier, elle devient un moyen de déplacement et elle va incarner le progrès, l’autonomie surtout. Elle génère une culture, un culte, transforme la société, les territoires, les villes, la vie. Sagan aura des Jaguar, une Aston Martin, une Ferrari, toutes ces griffes nées d’une danse entre la mécanique et le stylisme, le costume de la vitesse.
Le Mans 66, le film raconte une partie de cette épopée. Celle qui s’est déroulée sur les circuits. La course est aussi un spectacle fabuleux, une aventure. La vitesse dans la ligne droite des Hunaudières est la nouvelle frontière. Les pilotes, les marques, les écuries, s’y mesurent. Il y a Ferrari, Ford, il y aura Porsche quelques années plus tard avec les fameuses 917 que Steve Mac Queen mettra en scène dans un autre film sur le Mans. Il y aura aussi des génies indépendants comme Shelby. La période sera extraordinaire, porteuse, il en sera de même pour l’aviation. Ces années clés restent encore dans les mémoires et même de jeunes créateurs aujourd’hui s’inspirent des tendances graphiques de cette époque qu’ils n’ont pas connu. L’automobile roulait vers son climax.
Il faut mettre ce film en perspective avec la série Formula 1, pilotes de leur destin, sur Netflix cette année.
Le parallèle permet de voir comment la course a évolué. Le romantisme, celui que l’on attribue aux gentlemen drivers des débuts, a disparu, ne reste que l’efficacité et finalement un monde obsédé par un but devenu obsolète. Des milliards de dollars, des Everest en empreinte carbone, pour ce tour parfait imaginé par Ken Miles dans la bande annonce et que le film met en scène, existe. Pourtant, plus d’un demi siècle plus tard, a quoi bon dans le contexte d’aujourd’hui. La voiture est toujours omniprésente dans le monde, elle semble toujours indispensable mais l’imaginaire a vécu. Cet imaginaire là, de puissance, de vitesse et de bruit, même si la fascination perdure tant il a imprégné le monde.
En ville, la mobilité est même à réinventer. La voiture est devenu cet objet encore indispensable mais encombrant, qui dévore l’espace public et l’air qu’on respire. Dans ce contexte, piloter une voiture est un art d’une autre époque. Dans le documentaire, de Netflix, qui résume la saison 2018 de F1, le discours des pilotes, des directeurs d’écurie, des ingénieurs est devenu un langage de domination dont la dimension implacable, dénué d’affect est terrifiante. Le millième de seconde pour lequel ils vivent et dépensent tant d’argent ne semble si futile. Tout cela a été passionnant mais va devenir d’une autre époque. Quel monde voulons nous pour demain ?
Les constructeurs automobiles se battent depuis un moment sur d’autres terrains, l’art de vivre notamment, essayent de montrer la voiture sous un autre angle. Les habitants des grandes villes leur échappent déjà, les nouvelles générations ne les écoutent plus vraiment. C’est quoi le récit du déplacement demain, quel horizon pour la vitesse si tant est qu’il en reste un ?
Aujourd’hui, tout est récit, c’est presque devenu un problème. Chaque objet vendu s’accompagne d’un storytelling qui définit davantage le prix de l’objet que vous allez acquérir que son coût de production.
- quel est le récit de demain ?
- quelle nouvelle philosophie le marketing peut-il adopter à l’avenir ? Pour la voiture mais pas seulement.
- quelle forme de communication, les marques devront instaurer avec leur clients ?