Ce billet d’humeur initialement publié sur flysurf.com a été rédigé l’été 2011. Quatre ans plus tard, plusieurs spots du sud de la France sont interdits temporairement ou de façon permanente suite à des accidents, pourtant peu nombreux. L’occasion de reparler du danger en kitesurf, de sa perception par les autorités locales surtout et de la fragilité d’une pratique « libre » qui n’est pas assez organisée pour se défendre
Mercredi 20 juillet, fin de journée, plage du Jaï. Un léger mais assez stable nord-ouest balaye gentiment le spot. Il doit y avoir 17/18 noeuds. Je ride en 12 mètres-carré, il y a même quelques riders qui ont plus petit. Ce n’est peut-être pas l’endroit et le jour pour tourner une vidéo bonne pour un tour du monde, mais c’est juste une soirée ou prendre son pied en naviguant sous cette lune de tissus qui s’agite au bout des fils. Le ciel est clair, la lumière est superbe, je vois les reliefs de la côte bleue au loin, pour un peu, je trouverais le Jaï presque beau, c’est dire si je suis de bonne humeur. J’essaye de soigner le style, et il y a du boulot, je me dis que le kite dans les petits airs reste un sport extraordinaire, justement parce qu’un vent léger peut nous suffire. Les anciens se rappelleront que c’était même la bonne surprise promise par le kite à ses débuts. Naviguer dans les petits airs sans déshonorer sa famille en montant sur une Formula. Retour sur la plage. Un mec a visiblement quelques problèmes au décollage et met son aile deux fois dans les arbustes qui longent le chemin le long duquel sont garées les voitures. Pas de bobos. Par 35 noeuds, que lui aurait couter cette approximation ?
Corse, 19 juillet. 12 Danois sont récupérés in-extremis par les secours locaux. Ils ont pris le GR 20 et se sont fait surprendre par le retournement de la météo. Un gendarme explique : ils peut très bien faire 35° quand vous partez en début d’après-midi et le soir en haut, il ne fait plus que 5°. Un fort mistral souffle en Corse. Les Danois sont en sandalettes. Sur le GR 20. Aussi réputé et mordant que la bête du Gevaudan. Est-ce la marche qui est dangereuse, est-ce les Danois qui sont inconscients, où alors les sandalettes doivent être vendues après le passage d’un permis ?
Chamonix. Même semaine. Deux hommes, deux alpinistes trouvent la mort en montagne. Mauvaise appréciation de la météo peut-on lire dans la presse. Chaque année, il y a aussi des gens en sandalettes en altitude, chaque année des gens meurent à Chamonix, pas si loin de l’herbe verte des grands patûrages. Ils sont venus en vacances, s’approcher de la beauté, n’ont pas pris le temps d’apprendre, pas non plus celui de se renseigner, n’osent pas renoncer ou font une erreur ce qui est humain. En arrivant au Jaï, en empruntant ce chemin de terre, j’ai pourtant essayé de penser à autre chose… L’actualité du kitesurf n’était pas très réjouissante la semaine dernière.
Que peut-on dire aujourd’hui ? Si l’on osait, nous dirions que le kitesurf n’est pas dangereux. Que c’est un sport fabuleux qui dans certaines conditions peut être pratiqué sans risque mais que pour ça, il demande un minimum de connaissances et surtout de précautions. Le kite est un sport facile et accessible dans une certaine plage d’utilisation, il devient un sport plus engagé ensuite, pour devenir enfin, un sport extrême au dessus de 35 noeuds. Mais il en va de même pour les sandalettes qui comme l’ont démontré les Danois peuvent vous mettre dans une merde noire. Personne n’oublie Arnaud, et nous invitons ceux qui ne l’ont pas fait, à lire le témoignage de Patrick son compagnon d’infortune. Le kite peut s’avérer dangereux tout comme la plongée sous marine mal maîtrisée, comme la moto à 200 km/h, comme la promenade en montagne. Le tort du kite est sans doute son apparente facilité, son accessibilité, le fait que ce ne soit peut-être dans la tête de beaucoup de gens qu’un cerf-volant.
On a peut-être oublié une chose. Auparavant les sports extrêmes ou très engagés s’accompagnaient chez ceux qui les pratiquaient, d’une attitude adaptée. Préparation physique, mental en adéquation, connaissance du milieu dans lequel ils évoluaient. A l’heure où tout le monde veut tout faire, accéder instantanément à l’extase, tout le monde pense y avoir droit, à l’heure où l’on trouve même en montagne des « stages de speed-riding » , il faut repenser la manière de communiquer à propos du kitesurf car pour l’instant à chaque accident, c’est le sport en lui-même qui semble en accusation alors que c’est un type de pratique et des imprudences auxquelles on assiste. Chaque année, des gens se tuent en hors-piste. Leur attitude est mis en cause pas le ski dans son ensemble.
Le danger en kitesurf n’est pas une fatalité. A 15 noeuds il peut être considéré comme assez réduit même si des accidents (été 2017) ont montré qu’il fallait toujours être sur ses gardes. Par contre, sa pratique qui tend à aller de plus en plus vers le vent fort pose malgré tout problème. Ne laissons pas forcément assimiler le kitesurf au vent fort et aux accidents mortels, ce n’est pas la réalité du kite.