C’est un extrait vidéo, assez court, qui nécessite d’aller au delà en se rendant sur le site de Makani Power, start-up propriété de Google et spécialisée dans l’énergie éolienne. Nous le projetons lors de certaines de nos interventions ou conférence pour montrer que les nouvelles tendances du sport sont aussi synonymes d’innovations. Comment les changements culturels dans le sport débouchent sur des opportunités économiques en passant par l’innovation, c’est le thème de cette fin janvier sur Codezero. Ce post a été publié initialement le 4 septembre 2014.
Capturer le vent en hauteur avec un cerf-volant, s’en servir pour glisser sur l’eau, c’est la nature même du kitesurf inventé par les frères Legaignoux, bretons passionnés de voile et de sports de glisse qui déposèrent un brevet d’aile gonflable dès le début des années 80 mais dont le concept ne rencontra le succès qu’à la fin des années 90.
Capturer le vent en altitude, le transformer en électricité et le rapatrier au sol, est le métier de Makani Power, une start up californienne créé – ce n’est pas tout à fait une coïncidence – par trois kitesurfers américains. Le vent est une énergie renouvelable, finalement il y a une certaine logique à retrouver ce type de profil dans cette aventure à la fois éthique et technologique.
Don Montague a toujours su que le vent était une source d’énergie. Il est impliqué dans le windsurf dès 1982 et participe à la World Cup entre 1994 et 1992. Designer de voile, il commence à travailler avec Robby Naish, encore chez Gaastra dès 1988, aussi bien sur les modèle de vagues que sur la gamme course race. Quand Robby fonde Naish Sails, il emporte Don dans ses bagages. Un article parue dans The New Yorker raconte qu’en 1993, Don assiste aux prémices du kitesurf. L’article ne le nomme pas mais on peut penser que Montague croise la route de Cory Roeseler, un des premiers à s’y essayer vraiment avec des skis nautiques, une barre à enrouleur et un cerf-volant en forme delta. Don s’achète une Flexifoil Skytiger (une aile à caissons) et y insère des capotes (véridique) raconte t-il pour lui donner de la flottabilité et opte pour un surf en lieu et place des skis. Les capotes ne donnant pas de bons résultats, il utilisera plus tard des parties de matelas gonflable. On notera que le sujet paru dans TNY ne fait aucune référence, à aucun moment à l’arrivée des ailes Wipika (première marque lancée par Legaignoux et produites par Neil Pryde et qui seront un des déclencheurs du succès avec le début de la médiatisation en 1997) et du brevet français. Etonnant, surtout quand on sait que Naish, la société, a été la première à acquérir le brevet et à se lancer dans le kite, mais le sujet n’est pas là…
Montague devient un kiteboarder passionné et actif, il sera même le designer de Naish Kiteboarding, mais il a tout de même une autre préoccupation. Le kite comme le windsurf est un sport solitaire dit-il, « j’avais envie d’aller plus loin, de former une équipe, C’est là pour ça que j’ai eu l’idée de construire un bateau tracté par un kite. C’était la suite logique de tout ce que j’avais fait. » Il va donc associer une aile de kite et un bateau, en l’occurrence une petite plate forme de trimaran. Il fera aussi des essais en pirogue a balancier. L’idée n’est pas nouvelle. Dès la fin des années 70, Ian Day un britannique naviguait sur Jacob’s Ladder, un catamaran tracté par un kite de marque Cobra. En 1982, il emporte même le record en classe C avec un run à 25 noeuds à Weymouth. Il est toujours dans les tablettes du WSSRC.
Revenons à Don Montague. Quelques années plus tard, il se lie d’amitié avec Larry Page et Sergueï Brin tous les deux kiteboarders d’après le site Nation Swell qui raconte aussi l’histoire en détail. Page et Brin ne sont pas tout à fait n’importe qui puisque ce sont les deux fondateurs de Google. Il leur explique son projet de kiteboat en 2006. Montague se souvient : « l’un deux m’a dit, Larry je crois, Don, ton projet de kiteboat est très bien mais ca ne doit pas être ta priorité. Est-ce que tu ne préferais pas aider à sauver la planète ? » En fait, Google dont les besoins en électricité pour les serveurs et leurs systèmes de refroidissement, sont colossaux cherchent à en produire eux-mêmes.
La trajectoire de Montague va croiser celle de Saul Griffith, diplômé du MIT et kiteboarder, ainsi que celle de Carwin Hardham, physicien lui aussi diplômé du prestigieux MIT, kiteboarder également. Ensemble, ils font fonder Makani Power. Au début, c’est Google qui finance à hauteur de 10 millions de dollars et la promesse de 5 autres. Une aide gouvernementale vient compléter le budget avec une enveloppe de 3 millions. Des ingénieurs de Boeing veillent au parcours de la start-up et des personnalités de la NASA apportent également leur appui. En 2013, Makani Power, implanté à Alameda en Californie, comptait 28 collaborateurs de haut niveau : ingénieurs, physiciens, spécialistes de l’aérodynamique et la mécanique des fluides, ingénieurs en matériaux.
Le sujet paru dans The News Yorker l’année dernière, juste après le rachat complet de Makani par Google X, est très complet et ne fait pas l’impasse sur les difficultés techniques que devra surmonter l’entreprise, ainsi que la problématique liée à la réglementation aérienne, puis enfin, la concurrence d’autres architectures techniques. Le défi n’est pas gagné d’avance. Loin de là. Sergueï Brin de Google X, y croit pourtant. « Nous n’investissons pas sur des idées folles. Makani Power est un pari, mais un très bon pari ».
D’anciens textes font remonter l’origine du cerf-volant au IV siècle avant Jésus-Christ mais il est impossible de connaître son origine exacte. L’arrivée du kitesurf a montré que cette invention ancestrale pouvait révolutionner la voile, apporter sa pierre au transport maritime, l’avenir nous dira ce qu’il en est pour l’énergie renouvelable. A mes yeux, cette histoire illustre l’importance que l’on doit accorder aux nouvelles tendances. Lorsque les pionniers du kite sont arrivés sur les plages, il n’y avait pas grand monde pour y croire. Aujourd’hui encore, ce n’est pas forcément un secteur pris très au sérieux par l’industrie nautique ou par les pouvoirs publics. Tout du moins, le considèrent t-elle comme un « loisir » à la marge. Nous sommes finalement dans un pays plus conservateur que fondamentalement enthousiaste. L’histoire de Makani Power montre qu’il faut quelques fois accorder du crédit aux projets un peu « fous », surtout si ceux qui les portent ne le sont pas. La fameuse croissance, liée à la capacité d’innovation, en dépend en partie, c’est que constatent les observateurs avisés…
Bloc note : Makani Power qui fabrique des cerfs-volants embarquant des éoliennes a été racheté par Google l’année dernière. Google pense qu’à terme l’énergie éolienne peut devenir plus compétitive que l’énergie fossile et a depuis quelques années multiplié les investissements dans les projets énergétiques de ce type. Les turbines de Makani Power sont assez déconcertantes au premier coup d’oeil. Ce sont en fait des avions complètement autonomes de 8 mètres d’envergure baptisé Wing 7. Chaque avion est capable de voler en cercle à une hauteur située entre 240 et 600 mètres. Ils fonctionnent davantage comme un cerf-volant, (kite en anglais, on le rappelle) et produisent de l’énergie (30 kW) grâce à 4 éoliennes embarquées. Un modèle plus gros est à l’étude.