Archives. Un des premiers billets que j’ai rédigé quand germait l’idée de codezero comme plate forme éditoriale. Je le re-publie aujourd’hui parce qu’il complète le sujet sur les nouvelles tendances du VTT sur les réseaux sociaux
Les d’jeunes ont résolu la quadrature du cercle, ils ont trouvé un moyen de ne pas tomber dans les travers du vélo à papa, celui où il faut absolument en baver, celui où l’effort se mesure à l’heure ou au kilomètre, et où tout est ramené à l’étalon souffrance et douleur. Le vélo qui se fait toujours rattraper par les « produits ». Les d’jeunes mettent un short large, ont des gros pneus et préfèrent descendre. La culture glisse est sur deux roues.
Oui, c’est de vélo dont il s’agit mais quand j’écris « vélo » j’ai l’impression que le terme est inadapté, à fortiori si on pense « cyclisme » et « tour de France ». Pas question ici de bitume, de col à gravir, encore moins de boyaux ni de testostérone exogène mais de single tracks, de step down, de transfert, de slopestyle ou si vous préférez d’évasion dans les collines avec un vélo doté de gros pneus… Voilà, c’est ça, le vélo a accouché d’un nouveau monde, j’ai trouvé insupportable l’idée de ne pas vous en parler.
Effectivement l’engin a deux roues, un guidon et un pédalier, mais le parallèle s’arrête là. En effet, on peut faire aujourd’hui du vélo comme on fait surf, ou du snowboard. Je sais l’image n’est pas évidente mais c’est une question de sensation et d’attitude. Il n’est plus seulement question d’en « baver » dans les côtes mais de prendre des « G » dans les descentes. La tendance prend de l’ampleur depuis deux ou trois saisons (mais les vrais débuts sont plus anciens) et cet état d’esprit « new school » vient de l’univers de la glisse. Les nouveaux « bikers » balayent les valeurs du « vélo à la papa » pour en imposer d’autres, beaucoup moins figées. C’est en cela que le « gros vélo » est intéressant. Il bouge plus fort, il est connecté au tout-terrain et aux tendances urbaines
Petit Flash back pour mieux comprendre à la fois ce qui se passe et cerner le rapport avec la board culture : nous sommes à la fin des 70′s. Les valeurs du sport sont avant tout la performance, le chrono, l’entraînement et la compétition. Des mots-clés par lesquels passe toute forme de reconnaissance, des passages obligés vers le succès, la réalisation de soi-même, la victoire . Il s’agit avant tout d’obtenir un résultat et le plaisir n’est associé qu’à lui. Les observateurs ne voient même pas la sublime contradiction entre l’une de leurs phrases favorites empruntée à un baron « l’essentiel est de participer » et les règles du jeux qui ne retiennent que le vainqueur et broyent allègrement les autres. Le chrono, le tableau d’affichage, le travail, la sueur, la discipline, la douleur, l’effort, l’entraîneur qui beugle sont les « références » qu’il faut accepter. Les fédérations sont toutes puissantes, dirigées par des hommes âgés et costumés se déplaçant dans de lourdes berlines et dont la dernière paire de basket est bien loin. Ironie du sport…
Fin des années 70 justement. Le surf est déjà un sport hors normes, mais il n’est pas à la mode. Qu’importe. Aux USA, il s’est forgé une identité portée par la contre-culture. Un américain, Hoyle Schweitzer dépose le brevet de la planche à voile et celle-ci va déferler dans le monde entier. D’abord tranquille, la planche à voile va vite attaquer les vagues. Quelque chose bouge aussi en montagne. On voit apparaître le monoski, et très rapidement un autre jouet céleste, le snowboard, développé par un autre américain Jack Burton. Un français, surfer et visionnaire, comprend avant tout le monde et voit dans cette série de nouvelles pratiques, plus qu’un fil conducteur mais une véritable révolution culturelle sur laquelle il va coller un mot. Il s’appelle Yves Bessas et dans l’esprit de ce que faisait avant lui John Serverson en Californie, il organise des projections de films qu’il va appeler les « Nuits de la Glisse ». On y voit avant tout des films de surf mais aussi les premières images de windsurf, mais aussi des images de skis, de snowboard et de deltaplane. Les sports de glisse sont nés et avec eux une nouvelle façon de faire du sport, née d’un refus des valeurs établies précédemment citées. Il n’est question que de sensation, de courbe, d’appui, de prise de risque, d’accomplissement personnel. La compétition ne sera pas absente longtemps de ce monde la, elle est finalement profondément humaine, mais elle ne sera jamais la justification de tout.
Mais revenons aux Nuits de la Glisse aux débuts des années 80 pour retrouver le sujet. Défilent sur l’écran, les premières images de Mountain Bike où de généreux allumés descendent les montagnes sur des vélos à peine modifiés. Mais le développement de cette discipline va être divergent. Le Moutain Bike va devenir le « VTT » et va quitter le sillage de la glisse. L’énergie et l’anticonformisme des débuts se font avaler par l’ampleur d’un succès public de grande ampleur et absorbé par le monde du vélo peut enclin à la contre-culture. Le VTT aussi intéressant soit t-il devient un truc de « cycliste ». Dommage.
2007. Slopestyle, Dirt, North Shore, freeride et descente sont les nouveaux mots-clés des fous du gros vélos. La différence ? Il ne s’agit plus de monter des cols sous le soleil emballé dans un moule-burne mais de descendre « dré dans l’pentu » avec un vélo qui a de gros pneus et de grosses suspensions. Ce n’est plus le culte de l’effort mais du pilotage, du tricks, du style et du plaisir. Sorte de retour aux sources. Les jeunes veulent descendre, sauter les bosses, rider dans la forêt et prendre de G quand les anciens ne savent mesurer leur plaisir qu’au nombre de kilomètres avalés, et aux heures d’efforts.
Au niveau matériel, le changement est de taille et les familles de produits se multiplient. Les suspensions sont à grand débattement et pneumatiques, les freins à disque et hydrauliques, les pneus sont larges et dignes du moto-cross, les changements de vitesses (nombreuses) et aussi efficace que si la « boite » était a commande électrique. On grimpe, on descend, on saute, on glisse. C’est le vélo new school. Même les stations s’y mettent. En France, Les 2 Alpes, les 7 laux, les Orres ont construit des modules et des pistes. Ailleurs la référence s’appelle Wishtler au Canada.
Ce type de pratique est-elle faite pour vous, à vous de juger mais on peut rouler « freeride » sans être obligé de balancer un backloop tailwhip (saut périlleux arrière avec 360° du vélo en même temps). Le vélo nouveau est moins nocif que le Beaujolais du même nom. La position est moins douloureuse, les suspensions gomment le terrain, les freins et les vitesses obéissent comme dans un rêve et les sensations sont au rendez-vous.