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Et si le corps l’emportait sur le sport ?

  • Le corps est un élément central du sport aujourd’hui mais il est surtout un moyen, presque un « outil » qu’il faut apprendre à maîtriser et avec lequel il faut passer des caps. Très longtemps, il aura été une ressource qu’il fallait, si besoin, faire « plier ».  Aujourd’hui les méthodes d’entrainement sont de plus en plus sophistiquées, en phase avec l’athlète. Le corps reste cependant une machine qu’il faut exploiter au mieux dans un dessein précis. Le contexte du sport mondialisé reste dominé par une vision occidentale. Il faut « produire » de la « performance ». Jean Marie Brohm n’avait pas tout à fait tort.
  • Le statut du corps dans le cadre du sport change cependant, au moins en partie. C’est notre sentiment. De même que les pratiques sportives apparues à la fin des années soixante dix privilégiant la sensation et le geste, ont profondément modifié ce qu’est le sport et les buts qu’on pouvait lui assigner, d’autres mouvements « tectoniques » ont lieu depuis quelques années.

La variété des disciplines sportives nous place dans des situations très différentes, mais le cadre culturel ramène souvent le corps au même « usage ». Une sorte de second plan. Prenons deux exemples :

  • Le football est un jeu qui passionne les jeunes garçons et aujourd’hui les filles pour ce qu’il est. La question du « corps » ne se pose pas vraiment. Au début, il y a juste les yeux, le terrain, les autres et surtout le ballon reliés par une envie. Certes, il faudra entrainer ce corps pour exceller au jeu.
  • En karaté, dans les arts martiaux en général, c’est un peu différent. Le débutant est presque immédiatement confronté à la conscience qu’il devra acquérir de son corps. Il devra développer la conscience et le corps mais le but restera le geste, l’art.

Dans les deux cas, l’objectif d’accomplissement sera de progresser voire d’exceller dans la discipline choisie. Aujourd’hui, il nous semble intéressant de s’interroger sur la place du corps dans le sport. Dans l’évolution du sport.

Aujourd’hui le corps n’est plus l’outil, le moyen, mais l’objectif.

Pour certains le corps est devenu un but en soi. Le travail physique n’est plus lié à la pratique d’un sport, il est devenu LE sport. Ce n’est pas nouveau (cf la musculation) mais la montée en puissance du fitness au sens large du terme en est un signe plus cohérent. Les femmes dans les salles de boxe parisienne aussi. Le marché français (du fitness) est le troisième en Europe. Il représente en France 5,71 millions d’adhérents, 4200 salles ouvertes et 2,5 milliards d’euros de CA (source Etude Deloitte et EuropeActive piur Union Sport & Cycle). La proportion de pratiquants en France est passée de 6 à 12% en quelques années.

L’Allemagne et le Royaume-Uni font mieux, ce n’est pas donc un épiphénomène. Le véritable sport-santé est là…

On ne peut évidemment pas comparer la callisthénie, le bodybuilding, le crossfit et… le yoga, mais nous allons quand même oser. Aujourd’hui, les points communs entre toutes ces pratiques sont :

  • l’attention portée à soi
  • la volonté de développer son potentiel physique
  • la recherche d’équilibre, pas forcément de performance
  • le souci de son hygiène de vie (qualitatif  vu dans un sujet paru dans Les Echos) .

Le constat. Il y a aujourd’hui :

  • une réalité : la pratique de millions de gens qui font du « fitness ». Le marché mondial pèse plus de 26 milliards en Europe.
  • une perception : il semble que l’on classe toujours ces pratiques dans un champ à part. Comme si ce n’était pas tout à fait du sport, mais de « l’exercice physique » donc à considérer d’une façon différente.
  • un nouvel imaginaire : et c’est peut-être là l’essentiel.

Aujourd’hui de nouvelles références apparaissent. Franck Medrano, Chris Heria pour la callisthénie, Ido Portal pour le mouvement dont nous avions parlé ou Felix Price pour le yoga. Medrano a près de 28 millions d’abonnés sur You Tube. Chris Heria, beaucoup moins mais certaines de ses vidéos atteignent les deux millions de vues. Ces influenceurs sortent du simple cadre de la musculation telle qu’on l’envisageait avant. Chez les femmes on peut citer Jayla Itsines avec ses plus de 11 millions d’abonnés

La callisthénie n’est pas vraiment une nouvelle tendance, mais elle prend place dans un mouvement plus profond. Elle est un signal visible qui nous interroge. Une sorte de réinvention de la gymnastique. La perfection gestuelle en mois, les tatouages en plus. Rappelons aussi la méthode Lafay (poids du corps également) a connu dès 2004 un vrai succès.

Le yoga également. On voit donc apparaître des « athlètes » au sens physique du terme qui ne sont liés à aucun sport, mais qui véhiculent une autre façon d’envisager le sport. Medrano est végétalien (on viendrait presque à en douter), Price en bon yogi parle évidemment d’équilibre. Les marques de vêtements de yoga comme Ohmme ou Lululemon amènent aussi un autre imaginaire sportif dont se saisissent de plus en plus de gens.

Le sport comme moyen de développement personnel serait-il une piste de réflexion pour le sport santé ? En amont comme les chinois et non en aval comme en occident…

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