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Commençons par ce qu’est le surf d’aujourd’hui. La réalité est multiple.
Pour faire court :
- le shortboard,
- le longbard qui persiste et la différence d’approche entre les deux types de surf
- le soul surfing ou freesurf,
- la compétition qui a toujours eu son importance,
- l’arrivée des planches « soft » qui n’est pas du tout anodine, elle représente un nouvel accès, un changement de paradigme, une couche supplémentaire de démocratisation
- enfin l’innovation qui interpelle, les vagues artificielles, et le foil
- La montée en puissance du surf féminin
En fait, c’est la part de l’identité pour ne pas dire de la philosophie du surf qui est la plus délicate à appréhender. Au coeur des vagues, sans doute davantage que dans d’autres pratiques sportives, le récit a intercalé un prisme entre les esprits et la réalité comme l’a très bien souligné Christophe Guibert dans « Surf et « contre-culture » : la dimension symbolique des constructions journalistiques de la presse spécialisée en France. L’exercice – définir ce qu’est le surf – est pourtant un préalable incontournable, il nous semble, pour tenter de deviner ce que sera le surf de demain à l’aune des changements sociétaux, culturels et technologiques qui vont directement impacter le surf et sa pratique.
Le storytelling du surf tend depuis longtemps vers une sorte d’idéalisation de la pratique. Le surfer en appelle à la génération beat, c’est Kérouac avec une planche sous le bras, on l’envisage comme une sorte de poète (ce qui n’est pas toujours le cas, loin s’en faut), il est un peu détaché du réel, ne voit que la vague, ne vit que pour ça, la société passe au second plan. C’est le mythe de la quête de la vague parfaite, de l’Endless Summer. Le film de Bruce Brown sorti en 1966 est un peu le Kötler des marketeurs du surf. 50 ans plus tard, Rip Curl joue toujours sur la même corde avec sa campagne The Search. Les autres actionnent le même levier. Mais de Da Cat, Greg, Nat Young et Gerry Lopez à John John Florence et Gabriel Medina en passant par Kelly Slater ou Joël Tudor, l’histoire du surf a évolué. Entre temps, le monde a changé aussi. Le monde sportif surtout.
La part de la contre-culture est passée dans l’ombre du World Tour et l’idée du surf trip s’est au mieux émoussée au pire banalisée au fil des années. Si la recherche de la vague parfaite, l’endless summer, le voyage et l’idée forte d’une contre-culture sportive font toujours du surf un rêve très désirable, à l’heure du digital, du tourisme de masse, de la géolocalisation des vagues, du wifi sur le spot et de la micro-aventure, une activité très sélective, avec une « proposition » inchangée depuis cinquante ans peut poser problème et ne plus suffire. Les principales marques de surfwear, toutes petites entités issues du microcosme, parties à l’assaut du marché mondial dans les années 90, ont jouer à fond la fibre identitaire quand dans le même temps elles cherchaient à toucher un large public en s’invitant dans la grande distribution. La suite leur a donné tort. Il y a eu trois phases, le surf marginalisé, le surf accepté, le surf est aujourd’hui normalisé. Elles sont presque mortes de cette inversion de valeurs d’autant que dans le même temps, elles n’ont pas réinventé leur univers de marque. En retail notamment.
De rares voix ont pointé les dérives de cette tendance, arguant que le surf était prisonnier d’une (sur)interprétation (notamment de la presse spécialisée), Christophe Guibert justement, même si personne ne souhaite sa banalisation. Il semble pourtant inévitable que le surf soit influencé par un certain nombre de paramètre, ceux que nous avons nommé, on pourrait rajouter les J.O (qui peuvent tout çà fait ne rien changer voir aggraver la banalisation évoquée) et surtout par les grandes évolutions de l’offre sportive (montée du sport en salle notamment, changement de façon d’aborder les loisirs des millenials ) au sens large donc par les changements des comportements. Bref, s’il fallait essayer dans quelle direction le surf peut évoluer, voici quelques pistes dont deux évoquées d’ailleurs dans ces deux vidéos (ci-dessus et dessous) :
- Une version européenne de la vision du surf. Nous avons déjà abordé cet aspect des choses, la culture du surf est sous dominante anglo-saxonnes. A l’heure d’imaginer la saison 2, les européens peuvent reprendre en main le scénario. C’est ce que font les italiens de Block 10 et notamment Jason Baffa. Qui lie le surf à l’Italie et à un certain art de vivre. Famille, amis, tradition, était le slogan du film Bella Vita lorsqu’il a été présenté aux USA. Ce qui aurait pu paraître absolument ringard auparavant a du sens aujourd’hui dans l’objectif de Baffa. Ce qu’on fait les gens de Finisterre est aussi remarquable. Fergal Smith, agriculteur et surfer est plus en phase avec les valeurs environnementales montantes que Kelly Slater mais moins médiatisés.
- Si le surfer était par nature un sportif, c’était un sous-entendu, il était davantage identifié comme un routard des temps moderne, un jouisseur. Certes Gerry Lopez parlait déjà de yoga dans les 70’s mais cette vidéo de Mark Healey donne à réfléchir. Elle est en adéquation avec d’autres tendances actuelles et il est amusant de noter que le sponsor est Lululemon, la marque de vêtements de yoga dont on parle beaucoup depuis quelques temps.
L’imaginaire du surf a toujours tourné autour du voyage, de l’attente aussi. D’une certaine forme de déconnection. Dans les années 70 et l’aspiration de la société a plus de liberté, le discours était tentant. Aujourd’hui si le surf a toujours un immense potentiel attractif, s’il se développe, il doit évoluer avec son époque, il est challengé aujourd’hui par beaucoup d’autres univers. Les marques doivent aussi répondre à des questions auquel tout surfer qui ne vit pas au bord de l’eau est confronté. Comment vivre son surf loin des vagues. Comment être surfer en dehors des vagues, quel homme ou femme être en dehors de l’eau, quel sportif être en complément ? Quels sports ou autres activités sont en phase avec le fait d’être un surfer. A ce sujet, de nombreuses pistes inédites et audacieuses se profilent…
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