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La mode outdoor sera t-elle soluble dans la ville ?

Ces analyses sont destinées aux acteurs du sport et du tourisme qui souhaitent être inspirés régulièrement sur des sujets liés à la prospective et à l’innovation au sens large. En plus de ces analyses, nous sommes aussi en mesure de vous livrer des dossiers prospectifs sur des thèmes que nous définissons ensemble. Cette analyse VISION est exceptionnellement accessible gratuitement.

Les analyses VISION sont des réflexions approfondies sur les évolutions des pratiques sportives. Elles sont le fruit du travail de recherche de Codezero, de notre expérience, des échanges quotidiens avec les acteurs économiques du sport, qu’ils soient universitaires, sociologues, journalistes, cadres ou dirigeants d’entreprises. 

Les marques de vêtements qui ont bâti leur identité sur la montagne cherchent à exister en ville. Nous pourrions débattre des raisons pour lesquelles elles pensent devoir le faire, mais sans doute, imaginent-elles être mécaniquement obligées d’élargir leur territoire. Le débat sur la croissance n’est pas le sujet.

 

La tentation est grande, après tout, d’autant que c’est en ville que vit une grande partie de leurs clients, ceux pour qui il y a une part d’identitaire dans l’achat. « Ce ne sont pas les montagnards qui lisent les livres de montagne », déclarait récemment Catherine Destivelle au journal Libération, en octobre dernier. C’est vrai et ce n’est pas péjoratif. L’éloignement est moteur de désir.

Le Figaro s’intéresse aussi à la montagne, et à ce glissement des imaginaires, des reliefs vers la ville. Le titre consacrait, l’hiver dernier, un article sur cette mode qui voudrait créer du lien entre le granit et le béton. Vuarnet et sa collection capsule Noah. Rossignol au travers de ses collections conçues par Jean Charles de Castelbajac et exposées au magasin boulevard des Capucines. Moncler sur le haut de gamme ou Fusalp dont le retour sur scène, très 70’s, s’est plutôt bien passé. Le Figaro citait également Skidress, Pyrennex ou dans un autre genre Templa. Mais revenons aux fondamentaux : The North Face, un des leaders, est passé depuis quelques années des parois à l’asphalte. La marque possède des magasins de marque en ville. Tout comme Montcler dont les doudounes surfent autant les trottoirs que les trails.

Le plus emblématique, le plus récent, reste tout de même le débarquement de Goretex à la Fashion Week 2019.

Goretex ne joue pas exactement la même partition. La marque s’est fait connaître en tant que composant. La ville pourrait lui offrir une deuxième identité. Regardez le clip qui ouvr e cette analyse. Le ton est donné, nous sommes loin des sommets, et les influences de ces vêtements vont presque chercher du côté du design avancé en automobile. En fait, l’offensive est générale. Mammut met aussi les pieds dans le plat avec une communication appuyée et osée : « Avec la collection Delta X, MAMMUT apporte ses compétences dans la fabrication de produits de sport de montagne axés sur la performance au milieu urbain ». Le look est ultramoderne, rien ne suggère l’alpinisme ou le milieu naturel. On pourrait presque sourire, mais il faut s’en garder. Les générations actuelles n’ont pas les mêmes imaginaires et peuvent s’emparer très rapidement d’une tendance. Elles sont aussi susceptibles de l’abandonner aussi vite, d’où l’impérieuse nécessité pour une marque, de ne pas perdre contact avec son identité. En effet, le problème stratégique est le suivant.

  • Comment espérer devenir universel quand vous avez bâti votre marque sur de l’identitaire ?

  • Comment conserver une crédibilité chez les puristes quand vous commencez à toucher des clients urbains et majoritairement du tertiaire pour qui les sommets s’atteignent en… ascenseur ?

La situation n’est pas sans rappeler l’histoire du surfwear. Au milieu des années 1990, les majors du secteur, Quiksliver, Rip Curl, Billabong et dans une moindre mesure Oxbow partirent à l’assaut du monde réel. Celui des villes et des centres commerciaux.

L’équation était double. Image de marque et distribution. C’est sur cet écueil que le surfwear a buté dans les années 2000. En inondant le marché, en ouvrant à la fois le front des concept stores et celui des généralistes de sports, parfois les indépendants des centres-villes. Les marques de surfwear se sont banalisées, sans réussir à accéder au statut de marque généraliste et pérenne. Le soufflé de l’imaginaire est ensuite retombé, les clients initiaux, identitaires ayant tourné les talons entre temps. Enfin, pendant ce temps-là, elles n’ont pas évolué alors que les marques de sport généralistes Nike et Adidas, en tête, modernisaient leur image et élargissaient leur champ d’action.

Les marques de montagne sont parfaitement conscientes de ce danger, et agissent en fonction. Certaines très grandes griffes cantonnent clairement leurs collections proches du streetwear dans le haut, voire le très haut de gamme afin de ne pas tomber dans le mass market. La stratégie de distribution est également très importante. Ne pas être sélectif, c’est tôt ou tard, perdre son attrait.  Il est en effet très difficile d’avoir construit son image de marque sur une identité « marginale » et d’ambitionner devenir universel, sans perdre le contact avec son public initial, sa base. La montagne est une forme d’évasion, dans laquelle on se reconnait (ou pas).

L’outdoor est-il soluble dans la ville ? C’est un scénario qu’il ne faut pas écarter. 

  Comment se saisir de cette notion ?

Le sujet pourrait faire l’objet de thèses universitaires et il faudrait du temps et beaucoup « d’observations » pour en tirer un modèle absolu tant les conclusions peuvent-être contradictoires.

Nous avons cependant tiré quelques enseignements de cette analyse dont nous pourrions débattre avec vous (en live !) tellement le sujet est passionnant. Comme à notre habitude nous assumons nos convictions, les voici en substance :

  • L’urbanisation d’une marque Outdoor (qu’elle soit à connotation « nautique » ou « montagne ») est possible, mais ne doit pas être effectuée « par le bas » et de surcroit surtout pas avec une stratégie de distribution « mass market ». L’exemple de Quiksilver doit suffire à justifier cette position. Autrement dit, il ne fait pas bon « régater » avec Zara ou H&M….
  • Le « brand stretching » est également possible quand la marque reste positionnée, une majeure partie du temps, dans son univers de référence. The North Face vend des produits « urbains » dans son réseau retail (ou dans un réseau cohérent qui « comprend » la marque) et peut contrôler leur « mise en scène » ; Moncler également.
  • La spécificité et la « technicité » des marques Outdoor doit être valorisée par le storytelling et l’univers de référence de la marque (on en revient à la maitrise de la distribution d’une certaine manière)

En guise de conclusion on pourrait dire qu’il est souhaitable de faire venir des « urbains » non pratiquants dans l’univers de la marque en question (stratégie pull), mais qu’il est hasardeux de leur proposer des produits dans leur « environnement » de consommation habituel (stratégie push).

 

Note : Nos remerciements à Benjamin Bénéteau (Wild Mind) pour son point de vue ainsi que les multiples échanges sur le sujet.

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