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Le ski de demain. Moins gourmand, moins mécanique, reconnecté au monde

[et_pb_section fb_built= »1″ _builder_version= »3.22″][et_pb_row _builder_version= »3.25″ background_size= »initial » background_position= »top_left » background_repeat= »repeat »][et_pb_column type= »4_4″ _builder_version= »3.25″ custom_padding= »||| » custom_padding__hover= »||| »][et_pb_text _builder_version= »3.27.4″]

Luc Bouvier, géographe et montagnard, nous interpellait cet été sur nos pratiques sportives. Notamment sur la saison, et nos rapports avec elle. Il nous invite cette fois à regarder en face les mutations qui s’annoncent en montagne, et sur les conclusions qu’il conviendrait d’en tirer pour inventer le modèle de demain.

[/et_pb_text][et_pb_video src= »https://youtu.be/c_Lv_HrTRNs » _builder_version= »3.0.106″][/et_pb_video][et_pb_text _builder_version= »3.27.4″]Chaque hiver désormais est l’occasion de se remémorer le bon vieux temps météorologique ; les vrais hivers, l’époque où finalement on les redoutait en s’y préparant le reste de l’année et, où le ski lui, n’existait pas. Nostalgie météorologique. Aujourd’hui grippage de la mécanique hivernale.

Les chutes de neige ne sont pas forcément les premières victimes du réchauffement – contrairement aux glaciers par exemple ou la biodiversité – puisque neige rime souvent avec températures plutôt clémentes, on pense aux récentes chutes autrichiennes, en revanche l’aléa nivologique n’a de cesse de s’amplifier. La sensibilité des modèles météo s’ajoute à celle de tout un monde économique (qui représente 7% du PNB français) sans parler des pratiquants des pentes. Le ski s’est développé dans la période durant laquelle on a le plus construit, la prospère période de la reconstruction et de la toute puissance productive et technologique d’après guerre.

D’ailleurs quand j’écris ski, je le qualifierais de ski mécanisé. Une culture qui va très certainement décliner de par l’aléa climatique et des changements sociétaux en cours. Dans la post modernité qui est la nôtre, où tout se repense, se refaçonne, le freeski ou le ski de rando au sens large, indique ce mouvement durable de transformation. Par autonomie, durabilité, restriction du pouvoir glisser/d’achat…
[/et_pb_text][et_pb_testimonial author= »Tom Minaudo, moniteur pour Azim dans Le monde du 28/12/201818″ _builder_version= »4.0.9″ author_text_color= »#474747″ background_layout= »dark »]

Les stations de ski ont compris que le ski de randonnée pouvait être un bon relais de croissance. Elles sont désormais nombreuses (Les Arcs, Courchevel, La Clusaz, Chamonix…) à entretenir des parcours balisés et sécurisés, qui permettent de redescendre par les pistes. Ces itinéraires ciblent deux types d’adeptes : les débutants, qui n’osent pas se lancer ; mais aussi ceux qui pratiquent le ski de randonnée comme le jogging, pour l’effort plus que pour la glisse.

[/et_pb_testimonial][et_pb_text _builder_version= »3.27.4″]Défaire pour refaire. Parler de ski au 21ème siècle va de plus en plus signifier parler de ski autrement. Evidemment à cause du facteur climatique qui peu à peu semble faire disparaître l’hiver des consciences. Il n’est plus redouté, ni tant souhaité comme au début du ski. D’ici une trentaine d’années, les stations en dessous de 2000 mètres sont condamnées. Météo France estime qu’entre 1958 et 2002, la température a augmenté d’environ 3 °dans les Alpes françaises. Cette augmentation est surtout effective depuis la fin des années 1980 et est plus marquée en fin d’hiver/début du printemps. En-dessous de 2000 m on a perdu un mois de neige quasiment. Les hauts domaines vont continuer à fonctionner mais pour une population (très) aisée et mondialisée.
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Le modèle de la station de ski est un modèle en perte de vitesse. Voici quelques pistes de réflexion pour la montagne de demain, car même si les chiffres de fréquentation et de journées skieurs ne sont pas si mauvais, l’imaginaire ski est usé comme le dit le géographe Philippe Bourdeau : « La montée du ski dans les années 1960-1970 correspondait à une activité nouvelle pour la classe moyenne qui y accédait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. »

[/et_pb_text][et_pb_text _builder_version= »3.27.4″]Dans Abandoned, dont voici le teaser, il est raconté l’incroyable diminution des domaines skiables dans l’état du Colorado depuis le climax des années 70. Près de 200 domaines, des champs de neige souvent, ont disparu. La réalité toute nue. Le film illustre la diminution et la concentration conséquente des domaines dans les Rocheuses. Ces champs de neige avec une remontée très loin de la surmécanisation actuelle nous paraissent témoins d’un ski hippie, un ski indépendant et cette évolution est significative d’autres changements que le manque de neige. Un ski peu cher aussi. C’est aussi un changement de gouvernance économique et de culture sportive. Comme en agriculture, la fin d’une paysannerie indépendante laissa place à de grosses exploitations financiarisées. Comme dans le commerce : de petits commerces indépendants aux hypers et grandes surfaces. On voit bien ici que certains mécanismes jugés immuables, peuvent s’inverser.

Ces deux modèles s’effritent et se métamorphosent. On observe d’une certaine façon un retour au plus proche, plus petit, plus humain à la faveur notamment des constats accablants sur l’effondrement de notre modèle économique et sociétal, ravageur quant au vivant et aux humains. La collapsologie qui a le vent en poupe on le sait, est un mauvais vent pour certains quand d’autres répondent que l’apocalypse (snow?) c’est la renaissance. Cette gouvernance des grands groupes constatée dans les Alpes va continuer d’accentuer la concentration en quelques nids haut de gamme à la recherche de rentabilité et de clientèle internationale aisée.
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Dans 30 ans, peut-être ne subsistera en France qu’une dizaine de stations telles qu’on les connait aujourd’hui ; réservées à une part toujours plus congrue de la population.

Mais quid des autres, des téléphériques de la France périphérique ?

Persister dans l’armement en canons à neige artificielle – enfin des enneigeurs en neige de culture ? La fuite en avant dans l’endettement qui s’explique aisément en termes de maintien de l’emploi et du retour sur investissement mais qu’en sera-t-il lorsque la neige de culture va mettre en péril les cultures par manque d’eau? L’opinion change et tel un Hummer consommant beaucoup trop de litres au 100, l’obscénité d’une telle lubie gagne en taille et choque.

Cet investissement se reporte en premier lieu sur le prix du forfait qui même s’il reste en dessous des forfaits autrichiens, suisses ou américains a presque doublé depuis les tournages Apocalypse aux Arcs. Vers quoi glisse-t-on? Creuser la montagne de réserves collinaires comme on fracture le sol canadien pour du pétrole bitumineux?

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Et si ces années charnières représentaient le moment pour certains domaines d’envisager une tout autre approche ?

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Sortir des sempiternels plans de pistes rouges, bleues ou noires par exemple. Le snowboard et le free ski avaient amené une exploration des bords de piste, de l’entre-deux, le freeride des confins des stations mais depuis que les stations sont stations, nous restons largement guidés vers des descentes aux lisses remarquables. On fait la queue pour se garer, loger dans les grandes structures, trouver les rutilantes machines d’acier pour se faire disperser en hauteur et redescendre.

Dans ces néo-domaines qu’il va falloir avoir le courage de penser et concevoir, il faut réinventer la géographie des lieux. Partir d’une friche touristique représente un tremplin pour trouver un spot avec une pratique « lowtech » du ski, en ce sens qu’elle est autonome, collaborative. Un ski du quotidien comme il existe déjà dans certains spots périurbains. Un ski relié à son passé où un nouveau regard est porté sur le versant. La route d’accès existe, les vestiges de piste aussi, le plus gros levier de changement est la remontée en termes de culture sportive.

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Sortir un tant soit peu du ski tout mécanisé qui s’est révélé être à la fois un loisir fabuleux et une opportunité économique inouïe pour les territoires concernés, n’est pas une mince affaire. On sait que la « rando », même réinventée, reste une niche mais de nombreux autres leviers peuvent être actionnés. Les grandes stations de haute altitude resteront sans doute des grosses machines encore un moment mais on peut imaginer des pratiques plus raisonnées ailleurs. D’autant que la progression de la prise de conscience environnementale pourrait bien tout changer. Il faut réinventer une montagne plus artisanale, plus accessible, moins efficace mais plus humaine :

  • Installer des remontées temporaires et mobiles, opérationnelles pour un temps donné à un endroit donné, selon les conditions.
  • Inverser le modèle dominant : damer les pistes de remontée (travail de Ratrack plus restreint donc empreinte écologique plus faible) pour accéder (en remontant comme en rando mais plus aisément) à un domaine freeride ou à  un Park de pratique thématique.
  • Inventer des systèmes de remontées alternatifs dans certains bike parks (EVO bike Park près de Digne ou à Blackcomb au Canada)  ou co-louer une remontée en Ratrack pour skier dès une chute de neige.
  • En revenir à la notion de montagne et pas seulement de ski ce qui permettrait de ne pas s’obstiner dans le ski industriel, la neige de culture à l’impact environnemental phénoménal.

Nous voilà aujourd’hui avec une génération qui si elle est désireuse d’aller en montagne se retrouve bien souvent…en ville. Ce ne sont pas des stations qui sont à créer, mais une histoire à réinventer comme bien souvent en notre siècle. Le ski dé-mécanisé comme une nouvelle mécanique de ski, déconcentrée. Un ski d’immersion, de déconnexion. Une nouvelle histoire avec les versants enneigés, moins consommatrice. Cela passe par un nouvel imaginaire, un nouveau regard sur l’hiver, une inversion s’opère ces dernières décennies : l’inconfort psychologique augmente en même temps que le confort matériel. Le goût d’être ensemble l’emporte sur le marqueur social. Se confronter à la montagne doit nous ramener à une certaine rudesse, préserver cette joie qui tend à disparaître dans le ski mécanisé. Monter sur un sommet, seul sur sa banquette de télésiège chauffante ne doit pas être la seule alternative.

Ainsi certaines anciennes stations abandonnées qu’elles soient proches de Grenoble ou dans les Rocheuses révèlent une histoire sportive et ces mutations sans cesse à l’oeuvre. Cet élément si changeant qu’est la neige a affuté les questionnements tout autant que les sensations. Faire revivre des stations fantômes selon un autre modèle où le quotidien reprend un sens en dehors de la saisonnalité et où la destination se pare à nouveau d’un nouvel habit:le spot de rêve, la communauté accueillante, la pratique flexible.

Telle est une nouvelle utopie de la montagne engendrée par les valeurs qu’on lui prête : s’adapter, coopérer, savoir renoncer aussi au débit mécanique.

Luc Bouvier

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