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Le windsurf, la figuration libre, Red Bull et le syndrome de l’île de Pâques..

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(re) Mettre en scène la démesure et le côté « born to be wild » qui était l’essence même du windsurf au début. C’est ce que fait Red Bull avec le Storm Chase. On notera que la marque de boisson énergétique que l’on adore détester en France (évidemment elle n’est pas aussi clean qu’un smoothie détox mais elle fait sans aucun doute moins de dégât que l’alcool) est plutôt désintéressée, le windsurf n’étant plus que l’ombre du phénomène insensé du début. Red Bull apportera plus au windsurf que l’inverse.

Revenons un peu en arrière. Tout début des années 80 donc. L’offre sportive est assez traditionnelle, mais des manières alternatives de vivre quelque chose qui s’apparente au sport existent déjà : le surf, le skate, la grimpe, le vélo tout-terrain. Tout vient de Californie et il faudrait tout de même accepter quarante ans après, que ce n’est pas une coïncidence. Y aurait-il des raisons culturelles et sociétales susceptibles encore aujourd’hui de nous apprendre comment aborder le sport ? Une mission ministérielle s’est elle un jour penchée sur le phénomène, lol ?

Tout début des eighties donc ; le jeune Robby Naish, mais aussi Jurgen Honscheid et quelques autres illuminés s’affichent dans les vagues hawaïennes et dynamitent l’idée de qu’il est convenu de faire sur l’eau. C’est particulièrement vrai pour la France où le surf est encore peu développé, qui vous laisse le choix entre le Laser et le pédalo. Très peu de temps après l’apparition des grandes planches (que leurs concepteurs voyaient comme des longboards), ils en reviennent au surf, avec voile et « s’envoient » en l’air. On n’a pas trouvé mieux pour illustrer les paroles de Jimi Hendrix qui dix ans plus tôt chantait « Excuse me while I kiss the sky ». La glisse tient donc lieu de nouveau psychédélisme dans une société qui se libère depuis les années 60/70. C’est le déclin de la discipline au profit de l’autonomie.

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Au même moment qu’émerge ce qui va s’appeler un moment le « funboard », apparaît la « figuration libre » un nouveau courant artistique spontané qui propose une peinture figurative et colorée, dont les têtes d’affiche se nomment Robert Combas, les frères Di Rosa, mais aussi Keith Haring et Jean Michel Basquiat avec en backgrouhd l’ombre de Wharol. On verra quelques années plus tard l’influence latente, le « War paint » sur les planches et les fringues (Quiksilver notamment). Le windsurf, tout comme le skate et le surf, va chercher ses inspirations graphiques dans l’art. Il y a bien tout un univers autour de ces pratiques nouvelles, une culture, une génération et finalement une profondeur.

Dès le début, le windsurf inverse les valeurs. Pour les voileux, l’horizon, le graal, c’est le large et surtout le règlement. Pour les windsurfers, c’est le « bord » de mer, les sensations et l’absence de limite, raison pour laquelle on ne les prend pas au sérieux. Pourtant si ces rigolos ne s’aventurent que dans les 300 mètres ou à peine plus loin, ils roulent sur le dos de l’océan en colère, jouent là où les bateaux coulent, rendent la navigation dans le vent fort, possible et désirable. En fait, ils font de la voile eux aussi, une voile miniaturisée et mobile, mais il faudra trois décades pour que cette philosophie ultra-légère soit prise au sérieux à défaut d’être comprise. Antoine Albeau sera finalement marin de l’année en 2010. Entre temps, le windsurf – qui aime bien châtie bien – se sera enfermé dans une logique destructrice, empilant avec une rare opiniâtreté les aveuglements, le repli sur soi, les erreurs stratégiques et autres innovations de rupture avec … le passionné.

Retour au Storm Chase. Cette épreuve est magnifique, exceptionnelle, irrationnelle, aspirationnelle. Une sorte d’Eddie Aikau Big Wave Invitational du windsurf avec en arrière plan, ce que l’Europe a de mieux à offrir : les dépressions, l’hiver, l’océan démonté. C’est un spectacle mais ce que ressuscite Red Bull c’est bien cette contre culture sportive, cette volonté d’autre chose et finalement, ce à quoi elle a abouti.

Le Storm Chase est une compétition, elle va produire un classement. En ce sens, elle a fait un pas vers le sport tel qu’on le conçoit habituellement, celui qui veut absolument un résultat sinon il est perdu. Pourquoi pas. Mais sincèrement, le nom du vainqueur sera relatif, c’est l’épreuve elle-même que l’on retiendra. L’Irlande donc l’Europe, la tempête, le vent devenu fou, le froid, la mer aussi inhumaine qu’un huit mille himalayen en hiver et une poignée d’hommes capables de s’exprimer dans ce contexte. Le Storm Chase ressemble plus au windsurf que la RSX (pratique confidentielle et hors réalité), mais tous les spécialistes du sport vous diront que, quand même, les J.O c’est l’aboutissement…

Le Red Bull Storm Chase ne relancera pas le windsurf, victime du syndrome de l’île de Pâques, une fuite en avant effrénée. La pratique, magnifique, perdure tant bien que mal, elle aura marqué une rupture, ouvert la porte à la suite, le surf qui de confidentiel a passé un cap décisif y compris dans des régions où il était absent, le kitesurf, le stand up paddle même si ce bel outil pour marcher sur l’eau ne survivra peut-être pas, abouti à une autre culture maritime qui sera demain plus minimaliste plus responsable. C’est déjà tant.

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