Ce billet a été initialement rédigé en 2014 juste après le salon nautique. L’idée était de proposer une vision alternative. Comme nous l’avons écrit dans le post « Ce que la voile peut-elle apprendre de la glisse », ce qui suit n’est pas une attaque en règle contre la voile, juste une vision « alternative ». Il y a des gens qui aiment la voile et qui ne se retrouvent pas dans les fondamentaux actuels. L’idée est de lancer le débat, nécessaire. N’hésitez pas à participer à la discussion en commentaires.
Le mythe de la croisière.
La croisière est aux passionnés de voile ce que le « drop out » a été à la beat generation ou le retour à la terre aux hippies français des années 70. Un décrochage idéalisé. Tout larguer, partir autour du monde, ne plus revenir. Le récit de voyage est un thème récurrent dans la voile, mais le voyage dans sa dimension la plus extrême. Le grand voyage, l’aventure d’une vie, le tour du monde. Beaucoup en rêvent, peu nombreux sont ceux qui font le pas. Encore plus rares ceux qui parviennent à s’adapter sur la durée à se nouveau mode de vie, ou ceux qui en reviennent apaisés, prêt à reprendre, la vie a ses nécessités, leur place dans le trafic de la société moderne . Mais là n’est pas le problème finalement. Chacun peut rêver et s’essayer à cette exercice, quand certains s’en tiendront à la case fantasme sans jamais pouvoir ou vouloir franchir le pas.
Le mythe du bateau habitable
Le mythe de croisière est un idéal, un idéal qui a accouché d’un format. Le bateau habitable dans sa forme actuel. A la fois véhicule et abri du marin. Caravane également et il ne faut pas être mauvaise langue patenté pour voir dans certain port que nombreux sont ceux pour qui un voilier est un camping car qui flotte. La figure idéal du voyageur en prend un coup, c’est certain. Le bateau habitable en lui-même n’est pas critiquable si ce n’est qu’il est lourd, lent, assez complexe à manier et cher. Qui aime bien châtie bien. Revenons à la source pour tenter de comprendre. Pour quelles raisons a t-on envie d’aller sur l’eau ? Pour cette sensation de liberté, pour toucher avec son corps les limite du monde comme écrivait Jean Michel Asselin à propos de la montagne, pour exister d’une autre manière, pour n’être qu’un corps avec des sensations, pour oublier que la vie normale est beaucoup plus compliquée. Que propose le voilier habitable si on veut bien s’autoriser à le critiquer un instant ? Le posséder implique un budget conséquent, lui trouver une place de port est le casse-tête que l’on sait, mais au delà de ces péripéties, le sortir juste pour quelques heures afin d’aller jouer avec le vent est bien souvent hors de portée. Il faut être plusieurs, avoir plusieurs heures devant soi. La spontanéité en prend un coup, difficile aussi dans ces conditions de s’adapter à une météo par nature imprévisible. Un comble. Imaginons ces obstacles passés. Une après-midi. S’il y a cinq nœuds, c’est une balade paisible et c’est vrai, un incroyable moment de liberté partagée. Pour les sensations fortes, par contre, il faudra repasser. S’il y a plus de 20 nœuds, ça peut-être sportif. On sait tous que dans ces conditions, peu d’amateurs au sens strict du terme, sortent avec un habitable. Et mieux ne vaut pas calculer le prix de revient horaire…
Le mythe de la régate
La régate et en toile de fond l’olympisme notamment pour la structure fédérale dont le métier est de faire rentrer la voile dans des cases. La mer est un fabuleux espace de liberté mais le sujet n’est déjà plus celui-là. On plante quelques bouées, on parle performance, entraînement, travail, résultat. C’est le sport à l’ancienne. Le chiffre et le classement comme uniques repères, la perspective des Jeux comme ligne de mire quand des gamins espéraient peut-être une ligne de fuite. Les bateaux ? Des coques sympathiques qui sont les mêmes depuis trente ans ou plus. Pour le départ au planning, on repassera.