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L’esprit de l’outdoor est-il soluble dans la ville ?

La scène a lieu dans une salle d’escalade, lors d’un événement récent, le « Feats of Strength« . L’idée, comme le suggère le nom, c’est l’exploit physique.

Compétition de grimpe en salle. L'esprit de l'outdoor est-il soluble dans la ville ?

The show must go on

L’ambiance fait penser au Nitro Circus, à une épreuve de Supercross aux USA, à un concert de musique électronique, cela pourrait aussi être un événement organisé dans l’un des lieux de la Folie Douce. C’est indoor, jeune, festif, saturé de bruit et de cris d’encouragement, le speaker ne s’économise pas. La lumière extérieure, le calme, le rocher et l’outdoor sont loin, ce n’est pas un jugement, juste un constat. Le changement de référentiel par rapport au début de la grimpe est total.

Pourquoi pas, mais revenons un peu en arrière.

Une partie de l’histoire de l’escalade nous emmène en Californie dans les années 60 et 70. On y croise des gens comme Yvon Chouinard, Lynn Hill, le groupe des Stonemasters. On parle aussi de Camp 4 où plane une ambiance « unanimement reconnue comme rebelle et en marge des normes sociales établies de l’époque ». À ce moment, résonne encore l’écho de la contre-culture américaine.

Les débuts de la grimpe

La France découvre Patrick Edlinger au début des années 80, et la grimpe va sans doute incarner très tôt ce que deviendra plus tard l’univers outdoor, dont l’imaginaire penche nettement du côté de la montagne. On ne parle pas forcément de contre-culture, mais l’idée est certainement d’être différent. Les premières compétitions arrivent vite, même si le Manifeste des 19 indique que les esprits ne sont pas tous alignés, même si les Russes organisent des épreuves de vitesse depuis longtemps.

La grimpe reste un sport libre, sa philosophie incarne cette liberté ainsi qu’une sorte de symbiose idéalisée avec la paroi.

De l’outdoor vers l’indoor

Les premières salles de grimpe apparaissent dans les années 90, mais la grimpe en falaise reste la référence. Ce n’est que beaucoup plus tard que les salles connaîtront le succès. En 2024, la grimpe est devenue un sport majoritairement pratiqué par des urbains en indoor, elle est aux Jeux olympiques de Paris 2024, et l’épreuve de vitesse est devenue technique et athlétique. Encore une fois, c’est un constat, pas un jugement moral ou même de valeur. Un sport outdoor « alternatif » est devenu un sport indoor assez normé. Le public a donc changé. Le profil du grimpeur n’est plus le même, ses références culturelles non plus, ses attentes encore moins.

Autre angle à mettre en perspective, car il est lié, depuis quelques années, les stations de ski sont devenues des lieux de flux : les magasins et les lieux festifs se sont multipliés, les parkings, les parcmètres, les embouteillages, les transports en commun, et la saturation font partie du nouveau paysage, Tomorrow Land Winter aura lieu à l’Alpe d’Huez. Les prix au mètre carré entérinent cette mutation. Les références de la ville se déplacent et transforment les lieux et le style de vie, au moins dans les endroits les plus courus. Cette montagne-là ne retournera pas vers l’image idéalisée que Cabrel chantait dans « Carte postale ».

On aurait pu imaginer que le contexte actuel (Covid, cause environnementale) accouche d’une société qui pivote vers un style de vie plus simple, moins marchand, moins compétitif, plus sobre. On voit que ce n’est pas le cas, les trains et les avions sont pleins, les routes saturent tous les week-ends, la ville se projette, et avec elle ses usages s’imposent.

Dans quelle direction ira la prochaine génération, c’est ça le vrai débat, c’est la question que l’avenir nous pose.

La prospective ne consiste pas à imaginer les scénarios que l’on souhaite, mais ceux qui adviennent. C’est plus compliqué.

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