Cet édito a initialement été écrit pour le site flysurf.com en 2015 puisque nous avons été en charge de la partie rédactionnel du site pedant 7 ans. Dans de telles circonstances, ne parlons pas de statistiques mais il a été très largement partagé et a bénéficié d’une audience considérable en 24 heures. Preuve que la sécurité en kite n’est pas un sujet tabou, qu’on peut se permettre sur un site marchand un traitement journalistique et que c’est même « engageant » puisque la « cible » à qui l’on s’adresse se sent concernée. On peut ajouter en aparté que les médias grand public sont en général très mal renseignés (ils ignorent souvent les circonstances mais surtout la problématique générale de la sécurité en kite, ne la compare pas à d’autres pratiques et traitent souvent ce type d’accident sous l’angle exceptionnel/tragique/dangereux, parce que c’est facile et chargé émotionnellement. Or, il y a peu de contre-poids, pas de contre argumentaire public (ce que devrait faire la FFVL et maintenant la FFV ), c’est d’autant plus regrettable que des vies pourraient être sauvées, c’est le plus important, d’autre part le kitesurf, sport fabuleux, devrait être mieux appréhendé par ceux qui le pratiquent. Son apparente facilité est trompeuse.
Une jeune femme s’est tuée samedi en kitesurf à Barcarès. Impossible de ne pas se sentir concerné. Peut-être un peu plus même parce qu’il nous semble que les femmes ont cette capacité, cette qualité de moins se mettre en danger. Aucun mécanisme intime ne leur ordonne de faire étalage de leur « force » ou de leur « savoir faire ». Qu’en conséquence, ca semble encore plus insupportable quand il arrive quelque chose à l’une d’entre elles. Impossible de ne pas se sentir profondément attristé parce qu’être passionné de kite, c’est faire partie d’une communauté. D’autant que chacun sait, inconsciemment que quelque chose d’imprévu peut lui arriver un jour ou l’autre.
Ce n’est pas qu’un simple formule, toutes nos pensées vont à sa famille et à ses amis. Chacun en parlera plus ou moins et à sa façon. Le N/O était assez fort, instable, c’est un fait. Ce samedi, le vent moyen (relevés wind’s up à Barcarès) a oscillé entre 18 et 30 nœuds entre midi et 17 heures, mais la plupart du temps le vent moyen tournait entre 22 et 26. De plus en plus de pratiquants naviguent maintenant dans cette plage de vent. Hommes et femmes plus ou moins expérimentés (ça s’applique au deux), jeunes ou moins jeunes, de plus en plus de pratiquants sont sur le spot dans ces conditions et la plupart des fois n’ont pas spécialement l’air de bien mesurer que la situation n’est plus « anodine ». Le mistral comme la Tramontane sont des vents violents et imprévisibles. Dans la même tranche horaire, on s’aperçoit que les rafales enregistrées ont variées de 17 à 38 nœuds et que le vent maxi était régulièrement au-dessus de 30 nœuds. Ce n’est plus tout à fait la même musique.
Nous avions à l’occasion d’un accident en 2013 écrit ceci. Le risque en kitesurf est exponentiel. Le kite ne comporte aucun danger quand il y a 15 nœuds moyen et que les rafales sont à 18. Le kitesurf nécessite de l’expérience quand il y a 25 nœuds moyen. Le kitesurf est un sport engagé, risqué, quand les chiffres dépassent les 30 nœud.
Il faut vraiment faire passer dans les esprits que suivant la force du vent, on passe d’un monde à un autre : 15/20 nœuds, tout baigne mais il faut rester vigilent. Le plaisir est là pour tout le monde à condition d’être sur ses gardes. 20/25 nœuds, ce n’est pas non plus la mer à boire mais suivant notre « profil », notre poids, notre forme, notre niveau, nous ne sommes pas tous égaux devant les risques. Et quoiqu’il arrive et qui que vous soyez, au-dessus de 30 nœuds, c’est dangereux. Au-dessus de 30 et à fortiori quand les rafales dépassent 35, il faut savoir où l’on met les pieds, l’erreur peut se payer cash et franchement, c’est trop absurde.
Samedi 4 avril, une jeune femme s’est tuée en kite dans le sud de la France. On ne sait rien d’elle. Elle avait peut-être un très bon niveau, elle était peut-être prudente, elle a peut-être été surprise par les conditions, elle a peut-être eu un problème matériel, peu importe. Cette femme pourrait être votre sœur, une amie, votre femme ou votre fille pour ceux qui ont des « enfants » sur les spots.
Il y a un déni sous-jacent mais bien réel dans le kite. Qui touche aussi bien les jeunes freestylers que la génération des « vieux » windsurfers. Tout le monde se pense prudent, tout le monde inconsciemment se dit que les accidents « c’est pour les autres ». Comme en voiture. Et cette impression se diffuse insidieusement. Peut amener à faire croire que finalement, c’est de plus en plus rarement dangereux. Le vent fort en kite est une pratique qui se banalise mais dans une « décontraction » générale qui dilue cette notion de risque. La communauté des kiteboarders n’aime pas aborder le sujet. Donc en parle peu. Faites le test. Un jour où il y a 30 nœuds, ou dans une soirée, essayez de lancer la discussion sur la sécurité. Vous avez toutes les chances de passer pour un chieur. Tout le monde pense être prudent, peu de gens le sont réellement. C’est dommage.
Il y a peu d’accidents en kite. Mais c’est toujours trop.