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Quel avenir pour le ski freeride ?

D’où nous vient le freeride ? D’après le site du Freeride World Tour (FWT) : « The notion of “freeriding” was born the moment folks figured out how to secure their feet onto long slats of wood in order to move easier over the winter landscape and discovered that they could suddenly shuck the bonds of gravity and fly. They were free. They could ride down the hill at will. » Plus concrètement, le freeride est défini par un concept de ski sans frontière, d’ultime liberté à la pratique du ski et d’exploration.

En fait, il était surtout question de changement d’imaginaire. Au début des années 70, a commencé à apparaître une génération de skieurs désireux de plus de liberté et pour qui, les piquets et la performance n’étaient plus un horizon désirable et suffisant. Il était donc question d’explorer les espaces vierges, d’évoluer sans contrainte, d’autres sport au même moment vont connaitre le même type d’évolution. La sensation remplace le chrono. Certes, les images semblent un peu désuètes aujourd’hui mais à l’époque le film de Dick Barrymore, « Heroes of freeride » avait trouvé un large écho. 

Ensuite, afin de le faire évoluer, une inspiration des autres pratiques du ski a été impulsée par les riders : Les skieurs de bosse, les freestyleurs, les alpinistes… Certains ont mêlé les styles et les disciplines pour diversifier leur expérience. Candide Thovex et sa carrière en sont un parfait exemple. Une vie à expérimenter les différentes pratiques du ski. De la compétition en bosses et en freestyle à du ski sans neige en passant par des démonstrations de tricks en poudreuse, l’artiste a ouvert les yeux au monde sur l’étendue des possibilités en freeride.

En parallèle, il y a une vingtaine d’années, des compétitions de freeride ont émergé. Aux US dans un premier temps puis partout dans le monde. Aujourd’hui on assiste au développement de ces « contests » et à la professionnalisation de la discipline notamment au travers du FWT. Le freeride étant déjà un sport dangereux du fait de son environnement (risque d’avalanches, rochers, falaises…), sa mise en compétition le pousse à devenir toujours plus extrême. En effet, les juges récompensent de plus en plus l’incorporation de tricks du freestyle dans les lignes déjà engagées, spectacle oblige. Cette évolution des compétitions vers le freestyle se fait au détriment de la technique et de la créativité pure.

Aussi, à l’ère des réseaux sociaux et avec un sport très « instagrammable », la communauté freeride s’agrandit chaque jour et se tourne toujours vers le modèle qui est exhibé lors de ces grandes compétitions fortement relayées. On voit de plus en plus les freerideurs « poncer » les snowparks dans l’espoir de pouvoir replaquer un jour les mêmes tricks que leurs idoles au cours d’un Freeride World Qualifier (compétition qualificative ayant pour but la sélection sur le Freeride World Tour).

Bien que ces compétitions soient une scène de spectacle toujours aussi passionnante avec des athlètes qui repoussent des limites du possible, elles s’éloignent aussi de plus en plus de l’esprit même de la discipline. La liberté qui est la nature même de ce sport cède la place au spectaculaire. Le fait de soumettre les riders à des règles pour mieux les noter, c’est aussi les enfermer dans des cases. On le voit rien qu’en jetant un œil aux participants des Freeride World Qualifiers, tous leurs runs finissent par se ressembler et les styles de chacun sont gommés au même rythme que la technique sur neige. L’étape supérieure du processus serait même que le freeride arrive aux Jeux olympiques, sujet qui est sur la table en ce moment même au CIO. Et qui divise beaucoup au sein des top riders qui pensent que cela en transfigurerait l’esprit.

Après tout, cette recherche du business à tout prix n’est pas l’unique avenir de ce sport. Effectivement, de nombreux freeriders refusent la compétition pour rester proches d’une pratique plus pure, de conserver la liberté de leurs runs. Jérémie Heitz en est l’allégorie, sorti du circuit FWT, car il veut skier pour se faire plaisir et non pour obtenir une bonne note. Il est revenu à l’essentiel dans son quotidien et au travers de ses films The list et The list: everything or nothing. Ces derniers ayant pour objectif d’explorer de nouvelles possibilités et surtout de produire du beau ski dans un style unique et dans des conditions incroyables. Pour autant son approche n’est pas universelle au freeride, ce qui le réduirait à être assimilé à une forme d’alpinisme. Car le pur freeride, c’est aussi le team Bon appétit ski, star des années 2010 en France sur YouTube, qui a séduit avec du ski moins engagé, plus varié, et mettant au cœur de leur démarche de véritables aventures humaines. C’est grâce à cette variété d’acteurs venus de tous horizons, avec des styles et des envies différents, que la palette du ski freeride est aussi riche et continuera à s’élargir.

Dans un avenir où cette divergence va être de plus en plus marquée, on risque de retrouver d’un côté le freeride en tant que sport professionnel, sous le joug d’une fédération avec une surenchère de la prise de risque et une baisse du niveau technique des riders. Un véritable show-business régi par l’argent, qui a peut-être déjà perdu la partie. De l’autre, le freeride à l’état pur, représenté par des riders mus par la passion du ski, de l’aventure et de la créativité.

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