« Un appartement sur la mer ». C’est la marque Jeanneau qui a utilisé ce slogan lors du lancement en 2010 du NC 11, une « vedette » motorisée. L’idée, celle de mettre en avant l’art de vivre la mer. Dans le monde très conservateur de la mer, utiliser une certaine idée du luxe, et en appeler à une référence « terrienne », et « fixe » qui plus est, était beaucoup plus osée qu’on ne pourrait le penser.
Même époque ou presque. Bénéteau lance le Sense. A l’époque les responsables de la marque prennent des précautions. Le Sense est fait pour les « hédonistes » disent-ils, c’est le positionnement. La cible est donc ceux qui veulent aussi profiter d’un bel « intérieur », qui ne pensent pas que l’apéro au mouillage soit un plaisir coupable, qui sont prêts à ce que leur bateau perde un peu en performance ce qu’il gagnera en confort à bord. En fait, La marque cherche ainsi à se préserver du regard condescendant d’une partie des passionnés de voile qui qui ne voit pas le plaisir du même oeil. L’aménagement est atypique, l’influence Wally est perceptible. Autant dire que c’est d’une modernité audacieuse. Non seulement le Sense s’avérera un bon bateau mais sur le moment, même si la précision pouvait faire sourire, aucun journaliste présent à la conférence de presse du lancement (Cannes) n’en notera l’incongruité. Renversons la perspective. Si le Sense s’adresse aux hédonistes, que vont faire les autres en mer ?
Les choses ont bien changé cependant. La taille des voiliers notamment évolue, les attentes également. L’heure n’est plus aux intérieurs sombres, les stylistes, souvent italiens, imaginent des carrés vastes, clairs, articulés autour de matières modernes, mais ce sont encore des architectures très conservatrices qui dominent. Autant dans le voilier que dans le petit bateau à moteur, qui représente aujourd’hui la majeure partie du marché français.
L’idée même du bateau doit encore beaucoup à l’imaginaire du « marin » et de la « croisière ». Un bateau est avant tout pensé pour naviguer et si possible y dormir. Même juste un nuit. L’idée de la croisière, même si cette cabine (minuscule sur les unités à moteur de moins de 7 mètres par exemple) ne servira que de rangement et qu’elle interdira cette sorte de plan de pont intelligent que les américains appellent « bow rider ». L’espace avant où les enfants vont de manière intuitive d’ailleurs. Or, ces paramètres liés au contrainte de la législation (taxation sur la longueur) et celle des ports (prix indexés sur la longueur et la largeur) bloquent l’évolution de l’architecture. Une certaine « culture » marine également qui veut qu’un « vrai » marin est un marin qui bouffe des miles (nautiques), qui brave l’élément en toutes circonstances. Qui « navigue ». Même mentalité conservatrice et excluante que dans la moto des années 80, or on voit que la moto évolue aujourd’hui.
Il est admis que le plaisancier « lambda » français a envie d’aller en mer. Il a surtout envie d’être sur l’eau. En famille ou avec des amis. Que font les gens qui ont ou qui louent des bateaux, ils font quelques miles et vont se caler dans un beau mouillage. Sortent les palmes et … le rosé. Les constructeurs proposent une très belle offre mais continuent à travailler sur des paramètres « conflictuels » en tous cas antagonistes. A l’inverse, le summum du pragmatisme étant les deckboats américains. Impossible à envisager en France. On pourrait faire un parallèle avec la voiture. Le conducteur français des années 70 refusait absolument la transmission automatique que les américains avaient déjà adopter.
Cet Evo 43 annonce la couleur. Certes il affiche aussi un visage sportif et une cabine (sa longueur lui permet) mais sa particularité est de faire la part belle à l’art de vivre. Ce n’est pas « mal ». On peut facilement s’imaginer à bord de cette magnifique plate forme…
Quelle sont les grandes tendances de l’architecture navale de demain ? L’art de vivre à bord justement. A bord et à l’arrêt….peut-être.
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