Ce n’est pas une révélation, le sport est un monde d’hommes régi par les hommes, duquel les femmes ont très longtemps été absentes ou réduites à la portion congrue. Même si l’histoire du football nous apprend qu’à une époque les matchs féminins pouvaient remplir un stade, les exemples de la mainmise masculine sont légion.
Les codes masculins imprègnent l’imaginaire sportif, c’est un fait. L’un des enjeux d’avenir sera de s’affranchir de cette situation, mais la route sera longue.
S’il est encore difficile d’admettre l’existence dans un passé récent, d’épisodes comme celui qu’a vécu Kathrine Switzer en 1967 au marathon de Boston, d’autres exemples plus proches nous montrent à quel point les préjugés et les stéréotypes subsistent. L’équipe norvégienne de beach-volley a été sanctionnée aux JO de Tokyo pour ne pas avoir joué avec le bikini règlementaire.
Les grandes marques, qui s’appuient sur un storytelling puissant pour « inspirer » leurs fans, devront jouer un rôle actif pour que les mentalités changent, et surtout mettre leurs actes en accord avec leurs convictions. Il nous est arrivé ici de nous appuyer sur des vidéos que nous trouvions très inspirantes en matière d’imaginaires sportifs. Comme celle de Nike par exemple après l’affaire Kaerpernink.
Justement. La marque américaine a récemment mis en ligne une très belle vidéo (qui ouvre cette analyse) sur les femmes enceintes. L’enjeu est de taille, les femmes représentent une tendance émergente majeure dans le sport. On pense à alors à Switzer. On interdisait en effet aux femmes de courir en s’appuyant sur le fait que leur corps « n’était pas fait pour ça » et que c’était susceptible de nuire à leur capacité … d’enfanter. Jusqu’à très récemment, il était conseillé à une femme enceinte d’être la plus prudente possible. Or, des femmes montrent qu’une pratique sportive, évidemment raisonnée, ou suivie médicalement ne nuit pas au développement de l’enfant, ne représente pas forcément un risque pour la mère. D’autre part, des sportives titrées ont prouvé qu’il était possible de conjuguer haut niveau et maternité. C’est important, car c’est un pas supplémentaire vers d’autres visions du sport, d’autres valeurs.
Petit à petit, les femmes se libèrent d’un certain nombre de carcans et ces vidéos dont la diffusion est massive, imprègnent les esprits. Aussi bien celui des futures mères, que celui des petites filles, enfin, et c’est capital, ceux des hommes, futurs maris, ou entraineurs de haut niveau comme de clubs.
Évidemment, on préfèrerait que ce soit des institutions qui fassent le job, mais elles sont davantage occupées à parler licence ou médailles. Passons et venons-en aux faits.
Le problème avec ce clip, est qu’Alyson Felix s’est opposée violemment à Nike en 2019. Félix n’est pas tout à fait une inconnue. A 32 ans, elle était déjà six fois médaillée d’or aux JO et onze fois championne du monde. D’autres athlètes féminines comme Alysia Montano ou Kara Goucher ont eu le même problème à affronter. Leur tort ? Désirer un enfant. A l’époque, Alyson Félix refuse de signer un contrat dans lequel l’équipementier ne voulait pas lui garantir l’absence de pénalités financières en cas de performances décevantes dans les mois qui suivraient la naissance de sa fille. On croit rêver. Allyson Felix a quitté Nike pour Asics, a finalement donné naissance à une petite fille, Camryn. Au mois de mai 2019, dans une tribune publiée dans le New York Times, elle portait l’affaire au grand jour.
Après un large tollé public et une enquête du congrès, Nike a annoncé l’été de cette année-là une nouvelle politique de maternité pour toutes les athlètes sponsorisées. Le nouveau contrat garantit le salaire et les primes d’une athlète pendant 18 mois autour de la grossesse. Trois autres sociétés de vêtements de sport ont suivi la même direction pour les athlètes sponsorisées.
L’idée n’est pas de faire après coup le procès de la marque, mais de voir qu’aujourd’hui la grossesse est devenue un thème de communication. Qu’il soit dû à cet épisode, peu importe. Sans doute a-t-il pesé. Mais l’essentiel est ailleurs. Que les mentalités évoluent, qu’on laisse les femmes libres de faire ce qu’elles veulent et que ce qui se passe en haut de la pyramide se diffuse jusqu’en bas.