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Virilité, brutalité, risque. Les stéréotypes masculins dans le sport

Concussion (2015), Seul contre tous titre français, est un film qui raconte une histoire liée au sport, un histoire contemporaine et tragique. Dans ce film produit par Ridley Scott, Will Smith tient le rôle de Bennet Omalu, médecin-légiste et neuropathologiste nigérian de naissance, le premier à avoir établi que les chocs répétés à la tête que reçoivent les joueurs de la NFL (la ligue de Football américain) pouvaient conduire à leur mort prématurée. Evidemment la NFL a nié les faits, c’est le ressort du film mais notre propos à nous n’est pas là. Depuis, on a appris que Dave Mirra, la star du BMX avait probablement souffert du même problème.

Le sujet de ce post n’est pas non plus de parler de football américain et de qui s’est passé après la publication expliquant les traumatismes cérébraux subit par les joueurs, mais de la place des stéréotypes dans le sport et notamment des valeurs censées être typiquement masculines.

  • Quels sont leur poids encore aujourd’hui
  • Pour quelles raisons,
  • Qu’elles en sont les conséquence sur le sport lui-même ?
  • Est-ce différent dans les nouvelles tendances du sport ?

Dans le film, on assiste à un entrainement d’une équipe de NFL. Evidemment le propos du réalisateur est de souligner cette violence constitutive, mais on devine que ce n’est pas exagéré. On pourrait se dire qu’effectivement le football américain est particulièrement violent et passer à autre chose, mais il semble difficile d’ignorer que le rugby prend un chemin similaire. Le jeu est plus rapide, les gabarits des joueurs toujours plus impressionnants, les chocs de plus en plus violents, les traumatisme plus graves. L’impact fait partie du jeu, les passionnés eux-mêmes tentent de se convaincre que le rugby serait une manifestation sophistiquée de la violence, une sorte de brutalité éduquée, on peut en douter. Nous sommes en face à tous les clichés sur la virilité, via la figure du guerrier. L’image de Chabal est là pour en témoigner.  Quiconque a assisté  à des matchs de rugby avec des passionnés, peut témoigner que la « violence » y est malgré tout revendiquée. Lors du match France-Angleterre de samedi 19 mars, il y a eu un K.O, ce qui nous ramène au coeur du film « Concussion ». Le sujet n’est pas non plus de faire le procès de rugby…

Ce que nous aimons avant tout faire, c’est mettre en perspective. L’un des moments forts du film, est une discussion entre le héros et un docteur de la NFL. De quoi la ligue de football US a t-elle peur ? : des mères de famille…  Que dit-il ? Si le risque est connu, les « mamans » n’enverront plus leurs fils faire du football américain, le système, à terme s’écroulera…

« Les familles et les parents doivent savoir que si leurs enfants continuent de jouer au football américain comme il se joue actuellement, ils courent un risque significatif de dommage cérébral », explique leur docteur .

« Cela peut parfois se manifester des années plus tard, des décennies plus tard même, jusqu’à 40 ans plus tard. » En 2015, onze adolescents évoluant dans l’équipe de leur lycée ont trouvé la mort sur un terrain note le Nouvel Obs. Nous n’avons pas vérifié cette information, mais nous avons entendu dire qu’effectivement aujourd’hui, les mères américaines se méfient aujourd’hui davantage du football américain, tout comme l’impact d’une violence toujours plus marquée pose problème au rugby néo-zélandais.

Prenons un peu de champ. Nous avons très souvent cité le propos de Cory Schumacher, ancienne championne du monde de surf, dans le Guardian. Elle dénonçait les stéréotypes dans le surf. La sexualisation des filles, la figure du guerrier mettant en jeu sa vie (big wave riding) chez les hommes. Elle n’est pas la seule.

Venons en à Michaël Kimmel, sociologue américain. Il débat sur  les travers des stéréotypes virils encore présents dans les cultures dominantes. « Quand je demande » dit-il dans Libé Next «Qu’est-ce que ça veut dire être un vrai homme ?», la plupart des hommes que j’interroge répondent invariablement: être fort, ne pas pleurer, être compétitif, agressif, avoir du succès avec les femmes, réussir financièrement… « Quand les gens répondent à ma question » ajoute t-il sur ce qu’est la vraie masculinité, « ils entendent généralement des voix d’hommes dans leur tête. Celle de leur père, de leur entraîneur du lycée, de leurs copains, de leur frère aîné. Pas celle de leur mère ou de leurs sœurs…

Parlons de l’entraineur justement, et de la place du sport en filigrane. Autant la société défend l’égalité des chances dans la vie, autant elle promeut le sport qui en une sorte de négation. Mais ce qui est vraiment intéressant dans la réflexion de Kimmel, c’est la manière dont se transmet l’image de ce que doit être un « homme ». Et le sport participe grandement à cette valorisation virile et guerrière.

Dernier point que nous avions déjà cité. Ce que permet le sport en tant que rite, c’est l’expression, l’actualisation et l’extériorisation d’une violence posée comme nécessaire : plutôt qu’une négation synonyme de refoulement, il 
en fait le pivot essentiel de la socialité. Là, l’agressivité est maîtrisée, sublimée et combinée avec les codes de l’adresse. Extraits de  : Du rite au vertige : l’épaisseur sensible de la réalité sportive. Damien Féménias. Corps et culture. Numéro 4 (1999) Corps, Sport et Rites.

Dans l’absolu, les nouvelles tendances du sport n’échappent pas à cette problématique – la mise en jeu de sa propre vie est même le ressort des sports extrêmes – mais elle est moins. La violence n’est déjà pas dirigée vers l’autre et elle n’est pas le ressort fondamental de la démarche. Nous avons plusieurs fois souligné l’importance de la gestuelle, bref, d’une certaine forme de démarche artistique.

L’important aujourd’hui est de nous interroger sur les valeurs du sports. Il ne faut pas nier les différences liées aux genres et ne pas chercher à abolir non plus les identités de chacun. Peut-être, les hommes eux-mêmes, doivent-ils accepter de ne pas entretenir absolument cette violence qui serait supposée faire d’eux des « vrais » mâles. Il y a beaucoup de clichés dérangeant sur les femmes que les femmes elles-mêmes aimeraient nous voir combattre. Il y a beaucoup de clichés sur les hommes qu’une certaine forme de modernité nous invite à gommer. On pourrait commencer par le sport.

Pourquoi il est nécessaire de redéfinir ce qu’est le sport écrivions nous. C’est plus que jamais d’actualité.

Archives Codezero. Post initialement publié en 2016. MAJ le 7 septembre 2017

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